mardi 19 mars 2013

Brancion, Glück, Salager

 Encore un trio pour saluer le printemps des poètes et des autres. Celui des éditeurs aussi. Je pense notamment à Jacques Brémond, aperçu au marché de la poésie de Bordeaux, et qui m'a paru rajeuni.

Il y a à sa porte un habit de désolation qui fait les cent pas,
un appel, un espoir, une sorte de double désossé de lui-même,
aux traits tirés, à la sagesse ignorant la douleur des mots.

*

Ce retour du noir défenestre le vivant,
à cette distance, ce ne sont plus que des amas indistincts,
le devenir du monde est chassé, chaviré, la statistique fait
office de lucidité.
Sansrepères, il n'y aura plus rien à dire puisque tout sera
déjà su.

Paul de Brancion, in Temps mort, éditions Lanskine, 2010

il faut écrire
pour découdre la bouche

dans nos cicatrices
dorment des miroirs

*

je suis
où cessent les mots

dans la blessure silencieuse
qui nous appelle avec des larmes

je suis né
dans l'absence des mots
le ressac et l'oubli

conjurés par les pierres

Michael Glück, in Cérémonies d'exil, éditions Jacques Brémond, 1997

Voilà un jour où le temps plane longtemps sans tomber, pareil aux feuilles, un matin d'été où les vieux respirent tranquillement dans les rues.
Rien ne menace personne, dirait-on, le silence concilie les ombres agitées du sol, les monstres ne tracent pas leurs cercles, ne lancent pas les mots aigus du mal humain, non.
Couleur d'abeille sous les arbres, la mémoire volette à travers ciel sur une heure d'enfance. Le sacré sur la terre, il semble que ce jour ne le refuse pas.

*

De quelle pièce je rêvais à la maison, le temps d'en dire le nom les murs s'étaient refermés, je percevais une lueur, palpais l'espace de mes mains, est-ce que je souhaitais que l'eau me soit donnée, je ne sais plus, je ne pouvais ouvrir la pièce close, j'imaginais dans le noir de me baigner un jour dans la lumière pour me désaltérer.

Annie Salager, in Les dieux manquent de tout, éditions Paroles d'Aube, 1996, éditions ASPECT, 2004

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