mardi 22 décembre 2015

Richard Texier, Nager



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Voilà encore un roman qui ne ressemble pas aux autres et le lecteur saura s'en réjouir. Nager, de Richard Texier aux éditions Gallimard, déplie en de brefs chapitres des souvenirs d'enfance bercés par la Charente du nord, entre terre et océan. " Parfois quelques saules pleurent l'osier, que les maraîchins tressent en ingénieuses nasses et paniers d'usage. Loutres, ragondins, anguilles et échassiers peuplent ces eaux dormantes qui encerclent des parcelles de tourbe grasse 

fertiles. Une nature en bon ordre." Cette question de l'ordre, de ses agencements arrachés au grand chaos, traverse le livre tout entier. La narration s'efface avant de revenir. Un traité sensible sur l'art apparaît. En des fragments sans cesse bousculés, comme la houle sans cesse bouscule les lignes des territoires. Lycéen trop jeune pour participer aux événements de 1968, Richard Texier découvre la peinture dans le Lagarde et Michard consacré au vingtième siècle. Un tableau d'Yves Tanguy. Jour de lenteur. " A cet instant précis, j'eus, en effet, le sentiment que le temps ralentissait ; une lenteur conjuguée à un éblouissement. Je sentis une foudre de l'imaginaire, fulgurante et engourdissante, me traverser. C'est à ce moment que je suis devenu peintre."
Sans abandonner le chemin des souvenirs qui l'ont façonné (la mort du cochon José transformé en côtelettes et saucisses, le langage crypté d'un marin breton, le carrelet doté d'un mécanisme vénitien que par deux fois la tempête emportera...), Richard Texier nous emporte sur les méandres de sa création, dans l'infiniment vaste comme dans l'infiniment minuscule. L'astronome Jean-Pierre Verdet et le neurologue Bruno Dubois, avec cette humilité que seuls les grands savants ont en partage, éclairent sa "cosmologie personnelle, faite de rencontres, de hasards et d'éblouissements". L'immense Zao Wou-Ki, fasciné par sa quête d'absolu, l'invite à s'installer à Shanghai. Les Chinois, qui divinisent le cochon, admirent le bestiaire mythique qu'il crée sur place et l'exposent au Meishu Guan. 
Sculpteur autant que peintre, mais également poète, Richard Texier s'émeut de la poire passe-crassane qu'il vient de manger, de sa beauté fragile, du "dispositif enchanté" qui l'a fait naître. De belles pages qui s'ouvrent à la philosophie morale : nous profitons des miracles ordinaires de notre monde sans nous en apercevoir ; la barbarie frappe à notre porte.
Une visite de l'univers de l'auteur sur Internet, cet autre infiniment grand/infiniment petit, permettra au lecteur de nager plus avant à sa rencontre, dans un mouvement permanent qui rapproche et éloigne, éloigne et rapproche. Eternel suspens des questions.
" Un artiste peut-il tenter, depuis la modeste place où il se trouve, de rendre compte de la magie qu'une simple poire peut convoquer ? Peut-il dire le mystère d'une manière non dogmatique et non religieuse ? Il me fallait essayer."

Les reproductions qui ouvrent l'article sont extraites du site de Richard Texier.






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