dimanche 4 septembre 2016

Vincent Maurin, Un communiste dans sa ville

Le 24 mars 2014, il pleut fort dans le coeur de Vincent Maurin. Conseiller communiste à la mairie de Bordeaux depuis 2001, il vient d'être sévèrement battu au dernier scrutin municipal.
Alain Juppé lui téléphone : "Le conseil municipal perd avec vous un homme de conviction, c'est devenu trop rare en politique". 
Je connais Vincent Maurin depuis trente ans. Je l'ai rencontré à l'école du Lac II dans le secteur des Aubiers où nous avions chacun une classe de cours préparatoire. J'ai mesuré chaque jour son engagement auprès des élèves et des habitants de la cité où lui-même habitait. J'ai apprécié la foi qu'il plaçait en l'homme et la rectitude de ses combats sur les fronts syndical et politique. Je confirme donc, à cent pour cent et au-delà, le jugement d'Alain Juppé.
Maintenant, voilà une quinzaine d'années que Vincent Maurin est mon voisin à Bacalan, autre quartier du nord de la ville. Je ne suis pas communiste mais j'ai toujours voté pour lui aux élections municipales et législatives. "L'homme plutôt que l'étiquette", comme il est dit dans le livre d'entretiens conduits par le journaliste Hervé Mathurin et publié par Les Dossiers d'Aquitaine éditions dans la collection Ma vie, mon oeuvre.
En huit tableaux simples et sensibles, Vincent Maurin évoque les figures qui ont marqué ses années d'apprentissage et de formation politique. Un grand-père ouvrier qui lisait L'humanité. Un père traumatisé par son service militaire en Algérie. Un professeur de sport qui l'a initié à la lutte et à la boxe. Un professeur de philosophie, marxiste, qui lui apprit à "questionner les certitudes". Puis, au niveau départemental comme au niveau national, des responsables syndicaux et du Parti Communiste, Pierre Juquin notamment.
En professionnel aguerri du journalisme, Hervé Mathurin aborde sans détours les heures sombres de l'Union Soviétique  et l'alignement du PCF sur sa politique. Vincent Maurin ne se dérobe pas. "Je n'étais pas un idolâtre de Marchais... je considérais que l'émergence d'intellectuels à la tête du parti ne pouvait qu'apporter un plus... la lutte contre le capitalisme ne nécessitait pas simplement de s'arc-bouter sur la dictature du prolétariat..."
Vincent Maurin déclare aussi que la perestroïka gorbatchévienne puis, surtout, l'effondrement de la RDA furent des événements difficiles à conceptualiser au regard de la doxa communiste.
Aujourd'hui, à 56 ans, Vincent Maurin continue son combat politique même s'il n'a plus de mandat électif. Il reste fortement engagé sur la question éducative et culturelle, sportive même. Il lutte avec ardeur pour que notre quartier de Bacalan ne soit pas entièrement abandonné aux appétits des prédateurs de l'immobilier.
Quand il ne milite pas, Vincent Maurin pêche des crevettes grises et des anguilles avec son épouse Danielle sur le bassin d'Arcachon. Ou il joue à la pétanque. Ou il s'adonne à l'aviron sur le lac de l'Uby dans le Gers. C'est bon pour les articulations. Il anime aussi un club d'échecs dans son école Charles-Martin et ses joueurs savent damer le pion aux joueurs des écoles de riches. Une fierté de plus. Mais simple toujours. Jamais dans un esprit de revanche.
La culture n'est pas absente du parcours intellectuel de Vincent Maurin. On y retrouve le corpus marxiste dans son ensemble : Eluard et Aragon, Picasso et Léger, les sociologues de l'éducation Christian Baudelot et Roger Establet, le philosophe Alain Badiou...
Mais pas que. Le jazz latino et l'opéra font également partie des querencias. Vincent Maurin s'intéresse même à la musique électronique. Résultat de recherche d'images pour "vincent maurin"
Le livre se termine par un hommage très émouvant à la mémoire du père récemment disparu, hanté toute sa vie par les atrocités de la guerre d'Algérie auxquelles il a refusé de participer. Au-delà de l'histoire locale contemporaine, l'ouvrage intéressera tous ceux qui considèrent avec Albert Camus qu'il y a plus à admirer chez l'homme qu'à mépriser. 
Bientôt disponible dans les librairies, il coûte vingt euros.

Image sudouest.fr


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire