dimanche 16 décembre 2018

Marcel Proust, Citations

Résultat de recherche d'images pour "à l'ombre des jeunes filles en fleurs"Vingt-cinq ans après avoir lu Un amour de Swann, j'ai lu A l'ombre des jeunes filles en fleurs. J'ai découvert la jeune Gilberte, fille de Swann et d'Odette de Crécy. J'ai écouté le diplomate M de Norpois et l'écrivain Bergotte, sans oublier le professeur de médecine Cottard. A Balbec, j'ai découvert la jeune Albertine et sa bande de filles à bicyclette, parmi lesquelles Andrée... Je ne suis toujours pas proustien, mais quel génie !!! D'où ces citations, tirées des jeunes filles en fleurs...

Le travail de causalité qui finit par produire à peu près tous les effets possibles, et par conséquent aussi ceux qu'on avait cru l'être le moins, ce travail est parfois lent, rendu un peu plus lent encore par notre désir - qui en cherchant à l'accélérer l'entrave - par notre existence même, et n'aboutit que quand nous avons cessé de désirer, et quelquefois de vivre.

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D'ailleurs toute nouveauté ayant pour condition l'élimination préalable du poncif auquel nous étions habitués et qui nous semblait la réalité même, toute conversation neuve, aussi bien que toute peinture, toute musique originale, paraîtra toujours alambiquée et fatigante. Elle repose sur des figures auxquelles nous ne sommes pas accoutumées, le causeur nous paraît ne parler que par métaphores, ce qui lasse et donne l'impression d'un manque de vérité.

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Cette Albertine-là n'était guère qu'une silhouette, tout ce qui était superposé était de mon cru, tant dans l'amour les apports qui viennent de nous l'emportent - à ne se placer même qu'au point de vue quantité - sur ceux qui nous viennent de l'être aimé. Et cela est vrai des amours les plus effectifs. Il en est qui peuvent non seulement se former mais subsister autour de bien peu de choses - et même parmi ceux qui ont reçu leur exaucement charnel.

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Jusqu'aux chambres qui auront leurs lampes électriques avec un abat-jour qui tamisera la lumière. C'est évidemment un luxe charmant. D'ailleurs nos contemporains veulent absolument du nouveau, n'en fût-il plus au monde.

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Quand on aime, l'amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous ; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ ; et c'est le choc en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne connaissons pas qu'elle vient de nous.

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... les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans des remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges ( une grande question sociale, de savoir si la paroi de verre protégera toujours le festin des bêtes merveilleuses et si les gens obscurs qui regardent avidement dans la nuit ne viendront pas les cueillir dans leur aquarium et les manger).


Mon père qui le voyait chez M Mérimée - un homme de talent au moins celui-là - m'a souvent dit que Beyle (c'était son nom) était d'une vulgarité affreuse, mais spirituel dans un dîner, et ne s'en faisant pas accroire pour ses livres. Du reste, vous avez pu voir vous-même par quel haussement d'épaules il a répondu aux éloges outrés de M de Balzac. En cela du moins il était de bonne compagnie.

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On ne prodiguait pas le nom de génie comme aujourd'hui, où si vous dites à un écrivain qu'il n'a que du talent il prendra cela pour une injure.

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Les traits de notre visage ne sont guère que des gestes devenus, par l'habitude, définitifs. La nature, comme la catastrophe de Pompéi, comme une métamorphose de nymphe, nous a immobilisés dans le mouvement accoutumé.

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L'amour le plus exclusif pour une personne est toujours l'amour d'autre chose.

image gallimard.fr

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