jeudi 13 juin 2019

Hélène Révay, Poèmes sous-vide

Mon imagePourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Existe-t-il une vérité du réel tel qu'on le perçoit ? 
Ces questions fondamentales de la philosophie traversent explicitement et implicitement les Poèmes sous-vide d'Hélène Révay. Et se heurtent d'emblée aux paradoxes de la finitude.
Aucune puissance, quelque soit sa volonté, ne saurait enfermer les étoiles dans un bocal. "Au-delà de la vie, la vie... Au-delà de toi, toujours toi.", note l'auteure qui [ne demande pas à l'absence de paraître].
Mais qui est au juste cette figure à laquelle elle s'adresse ? Comment sa prière parvient-elle à signifier ou non l'amour ? Croire est-il un préalable à "la quête infinie du vrai" ?
Hélène Révay [va comme on se perd] sur le chemin ouvert par Yves Bonnefoy dans L'Improbable. Sa conscience aiguë des manques du temps la conduit à se rebeller contre l'insaisissable. Elle refuse de "se réveiller un matin dans un champ de mines et sentir le charbon, des aisselles aux cheveux". Même si la vie est une partie perdue d'avance qu'on continue cependant à jouer, même si "c'est sur le tard que le chemin s'empruntera sûrement", Hélène Révay ne cède rien à la lucidité qui la blesse. Il existe des replis dans des marges où le poème peut advenir y compris avec les mots les moins fiables. Là s'incarne peut-être le "vrai lieu", entre présence et absence, "au seuil de la désespérance" qui libère la parole et le don. Mais "sans jamais savoir si l'on s'abîme au sein même d'une telle liberté".

Extraits :

Je suis ce vers quoi, tiédissant,
tu acharnes tout ton être.

Pâli, le soir dégorge de l'horizon sa peine.

Et je marche lucide dans ta nuit,
triste et sombre à la façon
d'une grande vierge.

Blessée, la parole, inversée,
comme une parabole qu'on étudie,
en qui personne ne donne plus foi
et qui pourtant fait toujours usage.

Je meurs dans tes saisons
comme l'oiseau suppliant,
de devoir faire encore, et,
avec toi, un dernier voyage.

*

Je ne te demande pas de croire,
je ne te demande pas d'oser.

Ni d'avoir au bord du coeur,
le privilège des larmes.

Et dans la bouche,
l'orgueil d'un soupir.

Je ne demande pas
à l'absence de paraître.

Ni à quiconque de choisir,
entre le vent et la pluie,
la soif ou la misère,
l'assiette ou la tablée.

Poèmes sous-vide est le deuxième recueil d'Hélène Révay (après l'excellent L'écaille de la nuit également chroniqué sur ce blog). Il est publié aux éditions Unicité dans la collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet. Il coûte 12 €.

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