dimanche 16 juin 2019

Luis Garcia Montero, Une mélancolie optimiste

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Comment ne pas penser, en lisant Une mélancolie optimiste (Una melancolía optimista) de Luis García Montero, à ce que disait Victor Hugo de cet état d’âme si particulier : « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » ?

Dans ce choix de quarante poèmes qui jalonnent un tiers de siècle d’écriture, de l’âge presque tendre encore à celui de la maturité assumée, la tristesse n’est jamais subie. L’optimisme est ici une volonté au fil du quotidien que le poète transfigure  au cœur même de la langue. « Poésie de l’expérience, elle ne renie rien, elle veut construire, ne jamais renoncer à l’espoir. », observe Françoise Dubosquet Lairys à la fin de cette édition bilingue dont elle est la traductrice.

Luis García Montero met sur le même plan les gestes les plus ordinaires et les pensées les plus travaillées par le simple fait de vivre. Ainsi en est-il de cet anonyme qui se douche puis choisit une chemise dans son armoire, [gardant raison pour préserver sa peau les jours de pluie et au cœur de l’hiver].
Le poème alors devient fable, teintée parfois de petites ironies qui disent la lucidité du regard porté sur le monde. Un regard de philosophe qui va et vient de la douceur à l’amertume. « La tristesse de la mer tient dans un verre d’eau », note l’auteur dans l’un de ses titres. Peut-être faut-il aussi voir là une invitation à l’action. Les « occasions perdues » ne le sont jamais totalement.

Luis García Montero est un homme engagé à hauteur d’homme dans son époque. Ses poèmes Démocratie et Défense de la politique donnent un corps amoureux aux idées qu’on cherche toujours à abattre. Ils évoquent le souvenir du passé comme « un mot neuf » malgré les inquiétudes du futur. « Car est venu le temps joyeux des noms purs. »

Notons enfin la grande qualité de la traduction qui reste fidèle à l’esprit de cette poésie généreuse. Françoise Dubosquet Lairys a réussi son compagnonnage. En français comme en espagnol, la mélancolie garde la tête haute et c’est ainsi que nous l’aimons.

Extraits :

Los idiomas persiguen el desorden que soy,
y así los predicados de altas temperaturas
y los verbos de nieve
me tratan sin piedad
igual que a los sujetos derretidos.
No me resulta fácil,
                            pero a veces entiendo
la nostalgia de orden que tienen mis poemas.

Les langues poursuivent le désordre que je suis,
et c’est ainsi que les attributs de hautes températures
et les verbes de neige
me traitent sans pitié
comme ils traitent les sujets fondus.
Ce n’est pas simple pour moi,
                            mais parfois je comprends
la nostalgie de l’ordre qu’ont mes poèmes.

*

Bombillas
contra un cielo sin fondo,
pintura de las mesas
más pobre y sin verano,
botellas dejadas sin un solo mensaje
y la radio sonando
con voz de plata
como los álamos del río.
Antes que los humanos
los objetos aprenden a vivir en otoño.

Hasta un golpe de lluvia.

Ampoules
contre un ciel sans fond,
peintures des tables
plus pauvre et sans été,
bouteilles oubliées sans un seul message
et la radio qui résonne
d’une voix d’argent
comme les peupliers du fleuve.
Avant les humains,
les objets apprennent à vivre en automne.

Jusqu’à l’averse.

Une mélancolie optimiste de Luis García Montero est publiée aux éditions Al Manar et coûte 22 € (prix justifié).

image 1 librest.com

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