vendredi 13 mars 2020

Adeline Baldacchino, De l'étoffe dont sont tissés les nuages

Comme en voix off et à bas bruit, Adeline Baldacchino prévient le lecteur. Les nuages, fibres et textures, [ ne sont peut-être rien d'autre que nous-mêmes lovés dans le berceau des vents ]. 
S'en suivent cinq mouvements, chacun composé de sept poèmes à tisser, détisser, retisser avec ou sans noeuds, à l'aune d'un domaine de la philosophie générale : Métaphysique, Politique, Erotique, Esthétique et Poétique. 

De l'étoffe dont sont tissés les nuages s'adresse corps et âme à la figure de l'aimé. Energie et matière vont l'amble sur les chemins des songes où s'invite la mémoire des paysages arpentés dans les îles grecques. " L'heure des vivants passe plus vite / qu'un troupeau de chèvres / sur une plage grecque / où brûlent des papillons : l'ombre des oliviers nous rattrape toujours : sur la ligne de fuite. "
La question des durées passées au fil des émotions de la naissance jusqu'à la mort maintient le lecteur dans un espace intranquille. Le réel est peut-être un trou sans bords, comme disait Lacan, mais l'humain ne manque pas de ressources en son imaginaire. " On se multiplie par ce qu'on fabule ", écrit Adeline Baldacchino. 
Dans la langue comme dans la chair. Dans l'éternel mouvement du chemin à faire et à défaire. Avec les petites joies des caresses autour d'un brin d'herbe ou d'une coulée de sable. Avec l'étreinte des visages et des paysages. La vie, quoi ! Sans cesse recommencée comme les nuages poussés par les vents, ces berceaux improbables.

L'écriture d'Adeline Baldacchino, humble jusque dans son lyrisme empreint de mythologies ordinaires, interroge notre impuissance à mesurer notre présence au Monde et à l'Etre, à l'Amour et à l'Histoire, à la Beauté. Mais comment apprendre et comment se déprendre, avec ou sans le fil du poème ?

Extraits :

De l'autre côté de la nuit c'est comme
le revers invisible d'une île au petit matin
la mer l'entoure et tu ne vois que la côte
sous le vent que ses flancs dénudés
son âme mise à nu tandis que son corps
défendu se dérobe
et tu descends longtemps parmi les pins
tu dois descendre plus bas pour
atteindre la plage où l'on se délivre
des premières énigmes
et le grand nuage liquide
de la mer y dévoile enfin son secret.

*

J'aime la prodigalité
de la lumière et sentir sur ma nuque
le souffle du vent qui dérive au long cours
l'odeur des choses qui naissent
et le craquement des écorces
et la vague ouverte jusque dans mon
ventre et les rameaux du plaisir
écartelés dans la chair
le bois flotté des usages
de soi dans la douceur
partageuse et le regain
des joies.


De l'étoffe dont sont tissés les nuages d'Adeline Baldacchino est accompagné d'oeuvres fibreuses et filamenteuses de Danielle Péan Le Roux. Il est publié par les toutes nouvelles éditions L'ail des ours. Leur semeur, Michel Fiévet, a joint à l'ouvrage un sachet de six graines d'ail des ours et le prix de l'ensemble est très modique : 6 €. A commander à votre libraire ou à aildesours02@orange.fr

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