jeudi 1 décembre 2016

Graciliano Ramos, Vies arides

Fabiano, vacher, fuit avec sa famille la sécheresse du serta᷉o au nord est du Brésil et s'installe dans une ferme abandonnée au délabrement. La faim, la soif, la fatigue desserrent un moment leur étau. La subsistance s'accommode comme elle peut du dénuement. Sous le ciel redevenu presque accueillant, l'espoir pourrait retrouver des couleurs. Même la chienne Baleine le devine. Mais tout ici est hostile. La terre avare, les urubus qui décavent les yeux des cadavres, l'eau croupie au creux des craquelures et des calebasses, les épineux tordus comme si la douleur les avait pris depuis toujours. Les serpents et les hommes. Les hommes qui sont des serpents. Propriétaires blancs des lopins et des troupeaux. Petites frappes blanches de la police et tabellions fielleux de la préfecture, blancs aussi...
Comment, en pareille malédiction, ne pas se ravaler soi-même au niveau de la bête ? Condamnée à l'errance pour ne pas crever.
Cette terrible question confère à Vies arides du Brésilien Graciliano Ramos un caractère implacable dans son écriture même. Le ton est nu, quasiment clinique malgré la ritournelle du souvenir (le perroquet qu'il a fallu sacrifier pour ne pas mourir de faim, le lit confortable de monsieur Tomás alors qu'on couche sur des rondins perclus de nœuds...) Le style est dépouillé à l'extrême, ponctué de rares dialogues lapidaires en suspens, de grognements répétés comme se répète la misère (han ! han ! hum ! hum ! bien ! bien ! quoi ? quoi ? enfer ! enfer !). Une bête ne parle pas. Une bête crie, donne des coups de pied ou, soumise même quand se présente l'occasion de la revanche, courbe l'échine pour en recevoir...
Fabiano dit qu'il est comme une bête. S'insurge. Rêve qu'il se révoltera contre les soldats jaunes, les commerçants voleurs, les patrons affameurs, le monde entier. Dit qu'il est un homme. Oui. Oui. Un homme fort et rapide à manier son coutelas. Séducteur en plus. Il faut le voir sur un cheval à dompter, si beau si fier. Sa femme Vitória le sait, s'en souvient. Ô combien ! Puis, plus direct, terrassé par le mépris dont lui-même se dévore : "Je suis une bête." Ses talons crevassés ont durci comme les sabots des chèvres. Ses ongles sont des griffes pour atteindre l'eau sous le sable du fleuve à sec. Ses émotions et ses pensées minent jusqu'au sang son monologue intérieur. Font écho à celles de la chienne Baleine qui devient au fil du récit un personnage plus humain que les humains.Résultat de recherche d'images pour "graciliano ramos vidas secas"
Graciliano Ramos, écrivain engagé et proche des idées communistes, (il deviendra membre du parti), a publié Vies arides en 1938, après avoir connu les geôles de la dictature fasciste. Son roman a paru une première fois aux éditions Gallimard en 1964 sous le titre de Sécheresse (à mon avis préférable). La version dont je fais part a été traduite par Mathieu Dosse pour le compte des éditions Chandeigne en 2014. Une préface de Michel Riaudel l'accompagne ainsi qu'un glossaire sur la flore du Nordeste.

Lisez ce roman considéré comme l'une des œuvres majeures du XXème siècle.

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dimanche 27 novembre 2016

La revue 17 secondes, N° 8

J'aime les revues qui entrent tout de go dans le vif du texte. Sans glose de patins ni de couffins. Ainsi en est-il de 17 secondes, revue de poésie contemporaine dirigée par Jérôme Pergolesi et Alexane Pointillon.
De format carré, au papier velouté pour mieux accueillir les illustrations, voilà un ensemble choisi sur le bref dans tous ses états. Le bref des choses telles qu'elles apparaissent. Le bref entrevu des paysages et des pensées, des désirs avouables ou pas.
Soixante-deux poètes et illustrateurs contribuent à cette huitième livraison annuelle. Le lecteur se réjouira des proses à flux tendu parfois déstructurées de Derek Munn et de Sophie Nicol. Il appréciera les souffles proches du haïku de Harry Szpilmann, Flora Botta ou Arthur Catherin. Il saluera l'humilité de Thierry Radière qui [ne parvient pas à redresser les mots au bon moment] et sourira de l'inquiétude de Laurine Roux [qui n'a même pas de rouge à lèvres alors qu'un grand bandit pourrait débarquer]...
Parmi bien d'autres curiosités minuscules de Sophie Brassart, Brigitte Giraud, Erick Jonquière et Marianne Desroziers... les images, photos ou dessins, peintures, tissent des résonances aux échos fragiles qui se propagent jusque dans les blancs des poèmes. 
Citons les paysages crépusculaires d'Esther Salmona, les toiles au mouvement orange et gris de Philippe Agostini, l'univers oppressant d'Adèle Nègre, les montages fracturés de Thierry Augé, sans oublier les "danseuses" au bord de l'effacement d'Olivia Del Proposto ni, bien sûr, les créations absolument originales de Jérôme Pergolesi.

Extraits :

Suspension des souffles
dans le jour qui grince.
L'on se réveille l'un
dans l'autre. Exténués 
par nos ombres. (Flora Botta)

le ciel rose est une tartine
de confiture à l'orange
qu'aurait perdu la notion
des couleurs devant mon appétit
d'homme attiré par les correspondances (Thierry Radière)

Nous prenons des chemins
où chaque fleur est un paysage en attente
une poudrière
Ton souffle les éparpille jusqu'à la serre
somnolente - bruit blanc (Jérôme Pergolesi)

L'automne joue
avec les ombres
mes pensées volages
se pavanent 
devant la glace
en robe légère
je ne peux soustraire
à ma mélancolie
l'enfant muet
confiné
dans l'ambre (Lydia Padellec)Résultat de recherche d'images pour "revue 17 secondes"

La revue 17 secondes est disponible à l'adresse suivante et coûte, c'est logique, 17 euros : revue17secondes.blogspot.fr

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mardi 22 novembre 2016

Laure Gauthier, La cité dolente

"Ce désordre atonal du fond de tiroir. Ce lieu de repli, où la main enfant cherche entre les restes de ficelle, les élastiques et les allumettes un morceau de scotch. Ces lieux sans catégories. Il y avait là une de mes trousses, tachée d'encre, et une règle carrée, cassée.
Que jeter ?"
La cité dolente de Laure Gauthier est un "imprécis" de décomposition organique. Une scènographie de notre monde à l'agonie. Avant sa mise à mort dans l'arène de l'absurde. Rien ne peut être jeté, et surtout pas ce qui manque parmi les restes au fond du tiroir...
Un homme vieillissant qui [ne sait plus marcher] choisit de se retirer dans un hospice. La frontière est si poreuse entre le dedans et le dehors qu'aucun passage ne s'ouvre plus.
Des images traversent sa conscience, bric-à-brac de souvenirs mal bricolés, de perceptions de "la petite trace de soi", de visions de mères et d'enfants assassinés au coulis de framboise. De la femme aimée, "buste devenu plaine", dont les cendres épandues ne tenaient pas en terre.
En sept chants augmentés d'un huitième intitulé L'avant dernier chant, Laure Gauthier exprime sans concession la matière de sa lucidité insécure. En deçà et au-delà des corps travaillés par l'humus et la chimie Haribo qui corrompt les chairs enfantines...
La langue, réduite à la pâture des faits divers dans les journaux et sur les écrans, n'échappe pas non plus au dépeçage. "La syntaxe se délite", écrit Laure Gauthier. Celle des mots, des images, et le réel invertébré/décérébré sombre dans le cauchemar concentrationnaire.
Le chant sixième montre l'hébétude des deux cents rationnaires attablés au réfectoire de l'hospice. Trente minutes de mastication mécanique comme dans un élevage en batterie. Avec "le son humide, étouffé de la blanquette de veau" qui couture les bouches déjà condamnées par "l'entonnoir à histoires", et abolit la notion même d'humain...
L'avant dernier chant, le plus court, le plus énigmatique aussi, (une grande ombre le hante), peut se comprendre comme un suspens avant la grande rupture.
Le dernier chant est impossible à écrire. Personne jamais ne l'a entendu, il est sans lieu, sans catégories.
La texture textuelle de Laure Gauthier se tisse et se détisse comme un assemblage hétéroclite d'épaves. Dans une casse de soi, sous le ciel éventré des catastrophes. Au jeu des appariements, on peut évoquer l'univers d'Elfriede Jelinek (Enfants des morts) ou celui du cirque Archaos.Résultat de recherche d'images pour "Laure gauthier la cité dolente"
Et c'est bien, hélas, de chaos qu'il s'agit.
La cité dolente de Laure Gauthier est disponible aux éditions Châtelet-Voltaire contre la somme de huit euros.

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mercredi 16 novembre 2016

Kenzaburô Oé, M/T et l'histoire des merveilles de la forêt

" Crac, voici l'histoire. Vraie ou fausse, qui le sait ? Mais comme c'est une vieille histoire, il faut que tu l'écoutes en croyant qu'elle est vraie, même si elle est fausse."
Une formule rituelle pour ouvrir la voix d'un conte mais ce n'est pas un conte. Kenzaburô Oé, élève en primaire, boit fiévreusement les paroles de sa grand-mère. Elle raconte leur village forestier dans la montagne. Depuis la fondation en des temps reculés jusqu'à l'enfance de l'auteur pendant la deuxième guerre mondiale.
L'histoire est vraie bien sûr. Des éléments autobiographiques en attestent. Il y a très longtemps, le fils d'un chambellan et ses compagnons faiseurs de quatre cents coups ont été bannis de la seigneurie. Ils ont pris la fuite en mer avec autant de filles qu'ils étaient de garçons et, après un déluge de cinquante jours, ont bâti un village sur l'île de Shikoku.
La forêt constitue un écrin protecteur. Un immense bassin aménagé sur la rivière, utile à la pisciculture, sera appelé à d'autres fonctions... Une société autarcique se développe sous l'impulsion pour le moins énergique du "Destructeur" et de son épouse Oobaa. Des terrains marécageux sont asséchés puis ensemencés. Un jardin aux cent herbes, potagères et médicinales, voit le jour. Des pierres sont extraites d'une carrière pour tracer un chemin des morts qui monte vers les cieux. Des rivalités ne manquent pas d'apparaître entre la jeune garde entreprenante et la vieille garde plus conservatrice.
Les légendes ne tardent pas à prendre corps et mots, du vivant même des villageois de la deuxième génération. Sur le gigantisme des membres fondateurs. Sur leur stupéfiante longévité et leur disparition vaporeuse dans le royaume des âmes. Sur les mystères des saules qu'on appelle des arbres à boue.
Mais s'agissait-il vraiment de légendes ? Qui pourrait l'affirmer sans détour ? Quand la grand-mère meurt, Kenzaburô Oé devenu adulte et écrivain interroge les anciens du village, étudie des documents historiques, des oeuvres d'art. Le village a connu bien des vicissitudes au cours de son histoire. La seigneurie puis l'Empire du Japon ne pouvaient tolérer qu'une telle communauté vive en dehors des lois de l'Etat. D'autant qu'elle avait fini par s'enrichir grâce au commerce de la cire. Il fallait payer l'impôt ou mourir... Résultat de recherche d'images pour "MT et l'histoire des merveilles de la foret"
Aucune forteresse n'est inexpugnable. Malgré les sortilèges merveilleux de la forêt. Malgré la puissance des eaux fluviales déversées... Malgré la résistance farouche de toute une population.
Dans ce roman écrit comme une genèse (avec son déluge inaugural), Kenzaburô Oé ne nous livre pas un récit linéaire. M/T et l'histoire des merveilles de la forêt n'est pas un livre d'aventures. A la façon d'un Paul Veyne, il confronte les souvenirs et les sources documentaires pour élucider la structuration des mythologies. Il interroge aussi la mémoire de sa mère vieillissante et brosse avec émotion le portrait de son fils handicapé mental.
A la suite d'une opération de la boîte crânienne, Hikari garde à la tête une profonde cicatrice. Comme d'autres personnages dans le village, il y a si longtemps... Et là, c'est sûr, l'histoire est totalement vraie. Crac !
M/T et l'histoire des merveilles de la forêt de Kenzaburô Oé est disponible en Folio.

mardi 8 novembre 2016

Jean-Baptiste Pedini, Angles morts

Les angles morts sont partout. Dans la langue d'abord, avec des "mots tordus" pour sonder les profondeurs du silence parmi les voix. Dans la mémoire aussi, aux échos trompeurs, qui revient par bribes, avec des trous que le poème ne sait pas combler. Même [l'enfance a du mal à se sortir des angles morts].
Dans ce bref recueil publié par Yves Perrine aux éditions La Porte, Jean-Baptiste Pedini explore les courbures ignorées ou si mal connues du réel, ses plis et ses replis, ses interstices, ses anfractuosités. Et tout est sans cesse à refaire, à recomposer, sous "un ciel menaçant ruine qui tient".
Le lecteur appréciera la forme heurtée de l'ensemble, précaire comme sont précaires les perceptions livrées à l'incertain des émotions, des sentiments.Résultat de recherche d'images pour "jean baptiste pedini"
La poésie de Jean-Baptiste Pedini est donc éminemment philosophique en cette tentative d'épuisement des espaces menacés par la dislocation. Qui dit toutes les fragilités de notre condition résiduelle. Et cette terrible lucidité, travail de chaque jour remis sur l'établi de la pensée. "Les mots qui réconfortent ils coincent". Les fusils d'assaut en plastique retrouvés au grenier n'empêcheront pas le ciel de nous tomber sur la tête.

Extrait :

On avance
un peu mieux
quand rien ne bouge
ni secoue
branches mortes

tout ce qui passe
entre lèvre et mémoire

se réinvente

bord de ciel
départ
improvisé en siècle

on le sait
le temps griffe
et efface

repousse les résidus

assez 
pour tout reprendre du début

garder l'écorce contre soi
la lente saignée du jour

peaux solitaires
sur le chemin
sans ombres derrière

elles s'épuisent.

Angles morts de Jean-Baptiste Pedini est disponible chez l'éditeur : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon. Il coûte quatre euros. Un abonnement est également possible ( 22 € pour six recueils, port compris pour La France).

Image ladepeche.fr

mercredi 2 novembre 2016

Eloge du "Plouc"



Des intellectuels précaires, des petites mains du petit monde des belles lettres et des beaux-arts, des professeurs en mal de gentrification s'adonnent volontiers au dénigrement des classes populaires sur les réseaux sociaux.
[ Le tourneur-fraiseur, le commis aux écritures, le postier, l'ouvrier agricole, la technicienne de surface, la caissière du supermarché, la démonstratrice en robots ménagers, la vendeuse de cosmétiques... sont des prolos, des beaufs, des ploucs.
Ils sont ignorants, ne lisent pas, jouent au loto et au tiercé, prisent volontiers la chasse et l'anisette avec les copains de régiment, s'abrutissent tous les soirs devant la "lucarne à blaireaux" et matent des films pornos pour tonifier leur libido. Pire encore, ils se vautrent dans la malbouffe de chez Lidl et dédaignent les marchés biologiques so good so chic...]
Je connais bien ces classes dites populaires. J'ai vécu mon enfance et mon adolescence  avec des paysans pauvres. Ma famille, pour l'essentiel, est constituée d'ouvriers et d'employés. Le quartier où j'habite depuis quinze ans souffre de graves précarités économiques et sociales. Je me suis confronté pendant trois décennies à ce fléau lorsque j'étais instituteur en zone d'éducation prioritaire. J'ai lutté contre. Ouvert des lucarnes à la lumière sinon des portes. Et je continue à le faire.
Je n'ai pas la tentation de sombrer dans un ouvriérisme béat à la façon d'un Georges Marchais. Il m'arrive de pester contre ces "pauvres" qui font des fautes d'orthographe, regardent des conneries à la téloche et tiennent des propos politiquement contestables. Il m'arrive de leur reprocher une trop grande soumission au mirage de la consommation et un trop faible désir de révolte.
Mais je n'accepte pas la pensée simpliste et réductionniste, d'où qu'elle vienne. Je la trouve intolérante. Je la trouve méprisante. Je n'aime pas l'intolérance. Je déteste le mépris dont j'ai moi-même senti la morsure indélébile.
Je suis un "plouc".Résultat de recherche d'images pour "images d'ouvriers"
Je fuis comme la peste les grands maîtres des sentences littéraires et philosophiques qui vous assènent cinq références en cinq minutes. Je fuis comme la peste les thuriféraires des modernités eco friendly sur les rives de la Seine et de la Garonne.
Je suis un "plouc".
Je me souviens de Pierre Sansot, de son affection pour les humbles, les "gens de peu". Je me souviens de Pierre Soulages, de son intérêt pour le geste sûr du menuisier. De Théodore Monod, de sa curiosité pour les conversations ordinaires des Bédouins. Ces personnes ont éprouvé dans leur vie et dans leur œuvre que les "pauvres" échappent à l'image étriquée de la "Télévicon", au match de foot arrosé à la Kronenbourg.
Je pense à mon amie Lucie, ancienne dame de service dans une école, quatre-vingt-sept ans au compteur. Son énergie, sa bienveillance. Elle n'a jamais lu Becket mais lit très bien dans mon cœur. Et c'est un cadeau. Je le dis benoitement, naïvement, sans rougir, les yeux dans les yeux de la clique des brocardeurs.
Je suis un "plouc".
Nous vivons depuis une vingtaine d'années une aggravation sans pareille des inégalités et des exclusions. Dans un contexte de mutations économiques, scientifiques, morales et sociétales qui remettent en cause la définition même de l'humain. L'heure n'est pas à dresser les catégories sociales les unes contre les autres. Une attitude aussi inféconde nous conduirait à de périlleux déchirements. Mais il faut rappeler quelques truismes, enfoncer et enfoncer encore les portes ouvertes des évidences.
Le "plouc" n'est pas toujours celui que l'on croit.
Je fréquente à l'occasion des individus des classes supérieures, qui exercent dans le professorat d'Université, l'ingénierie, la médecine, l'informatique... Les pratiques culturelles de beaucoup d'entre eux sont souvent semblables à celles du tout-venant. Marc Lévy séduit autant le cadre que l'intérimaire. La télé rince le cerveau du chef de projet comme elle rince celui du manutentionnaire. Les a priori politiques de "l'éclairé" sont aussi dévastateurs que ceux de "l'obscurantiste". Quant aux croyances contemporaines, lesquelles se multiplient comme des petits pains rassis, les âmes dites bien nées comme les dits mollassons du cervelet y succombent massivement.
Je suis un "plouc".Résultat de recherche d'images pour "images de paysans"
D'aucuns jugeront que mon propos manque de recul, le trouveront à l'emporte-pièce et lyrique. Je ne leur donnerai pas totalement tort. Je n'en ai pas pesé les termes au trébuchet de la science, anthropologique et sociologique. C'est un billet d'humeur. De mauvaise humeur. Mais sans acrimonie puisque je ne suis pas moi-même sans reproche dans ma perception du "plouc".
En tout cas, je suis heureux d'en faire ici l'éloge. En terminant par une citation d'Albert Camus, victime de tant de préventions germanopratines : " Chez l'homme, il y a plus à admirer qu'à mépriser."

Je suis un "plouc". 

Images cnt-f.org, pixabay.com

lundi 31 octobre 2016

Jean-Paul Dubois, La succession

C'est l'histoire d'un fils qui vit tranquillement à Miami. Il pourrait exercer la médecine mais a choisi un emploi mal payé de pelotari car la pelote basque est sa passion depuis l'enfance. Il a une voiture qui tombe en morceaux, un bateau guère mieux loti et un ami latino, espèce de bonhomme en sucre que le lecteur a envie d'embrasser sur les deux joues.
Un jour, il apprend le décès de son père à Toulouse. Une mort particulière qui est la marque de la famille... Le fils rentre en France avec son chien, important le chien, pour régler les obsèques et la succession. Retrouve la maison dans laquelle il a grandi. Souvenirs souvenirs. Du grand-père notamment, médecin en URSS du temps de Staline dont il autopsia le corps. Il préleva un lobe du cerveau du dictateur, lequel macère encore dans son bocal de formol, sur une étagère. Souvenirs de la mère aussi. Qui aimait peut-être davantage son frère que son mari et qui mourut dans le garage, par asphyxie volontaire. L'image du père est évidemment très présente malgré des contours flous, énigmatiques. Un médecin encore, plutôt spécial. Pendant son internat à l'hôpital il soignait les patients en slip. Mais il faisait bien d'autres choses... rigoureusement notées dans des carnets noirs.
Le fils va-t-il reprendre le cabinet médical de son paternel adulé par les malades ? Saura-t-il vivre en paix avec le fait même d'être le fils ? Assurera-t-il jusqu'au bout la succession ? Mais de quelles successions s'agit-il vraiment ? Résultat de recherche d'images pour "jean paul dubois"
Le fils ne le sait pas encore. Il retourne à Miami, tombe follement amoureux d'une belle Norvégienne patronne d'un restaurant. Hélas, il y a un problème, un sacré putain de problème. Et le lecteur pleure. Comme il pleurera quand le fils rentre définitivement en France. Pour aller jusqu'au bout de sa quête, de la succession...
Une fois encore, Jean-Paul Dubois sait nous toucher au plus profond, jusque dans son intérêt pour la mécanique auto. A la façon de ces auteurs Américains qui l'accompagnent de livre en livre, de père en père, de grandes étendues en grandes étendues. 
La succession est un roman charnu, gouleyant, tendre, comique et grave, généreux, fragilement humain, terriblement humain...
Du grand Dubois.
Publié aux éditions de l'Olivier.

Image Télérama.fr