dimanche 2 avril 2017

Emmanuel Echivard, La Trace d'une visite

Résultat de recherche d'images pour "emmanuel echivard"J'en suis à ma troisième lecture du premier recueil d'Emmanuel Echivard, La Trace d'une visite. Je mentionne cela car j'ai le sentiment d'avoir découvert un auteur si déroutant dans sa puissance que je crains d'écrire des sottises. 

Qui est donc ce "tu" présent/absent tout au long du livre ? Comment le nommer sans le réduire ? Peut-on lui attribuer un qualificatif qui ne limiterait pas son essence matérielle ?

Le lecteur saisira assez vite le "il" (et parfois le "elle") en ses déclinaisons humbles et fragiles, dites et muettes, joyeuses ou à la peine. Il y reconnaîtra son propre chemin tissé d'improbables. Dans le bruit comme dans le silence. Depuis les commencements repris sans cesse par la langue.
Et sans cesse il reviendra à ce "tu" qui porte en lui (et même en elle) tous les visages. Pour l'accueillir et le repousser. Dans l'espoir vain de désigner ce qu'est la vie, [ce que n'est pas la mort]. Puissant et impuissant dans les mêmes mots de toujours, les mêmes gestes de toujours.

En précipitant la besogne du sens, on peut décréter que ce "tu" est dieu. La figure du père et celle du fils (de la fille ?) apparaissent sans qu'on les distingue vraiment. Il y a dans le chant de ces proses poétiques des accents de parabole. 
Mais cherchons plutôt à nous détacher lentement des apparences. Emmanuel Echivard aime effacer les traces dans le corps des mots comme dans le corps des paysages. Car c'est en se perdant que le lecteur, peut-être, puisera en lui le désir de semer des cailloux...

Extraits :

Tu es un vertige, dit-il, le chaos de rochers
que le brume de midi a pris.
Puis l'après-midi a passé. Lui s'occupait des
ronces à arracher. Il t'a oublié.
Mais quand le soir arrivera, il s'étendra sur
le sol pour t'entendre passer.


Etonné, il regarde l'arbre, le chat, le porte-
crayon de bois qu'un enfant a donné. Regards
du monde que rien n'étreint.
Quel murmure se lèvera de ce qui n'a pas de
nom ?
Tu serais dans la brise légère, dit-on.


Il ne voyait plus alors que des silhouettes, de
dos, disparaissant dans l'épaisseur grise d'un
chemin de terre. C'était une heure inconnue.
Le jour et la nuit s'étaient retirés, plus de
lune, plus de marées.
Tout ce qui respire, chante, vibre, tremble, se
désapprenait.
A cette heure de fin du monde tu allais à leur
rencontre, au bout du chemin terreux.

La Trace d'une visite d'Emmanuel Echivard, publié par Cheyne éditeur, est disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 19 euros.

image fr.linkedin

vendredi 31 mars 2017

La revue Festival Permanent des Mots, N°14

Le Festival Permanent des Mots change de voilure. La quatorzième livraison du chasseur-cueilleur Jean-Claude Goiri se déplie en A4 et garde son papier dont le lecteur aime caresser le grain.
Ce dernier retrouvera Christophe Sanchez avec un personnage de sa série Les gens, convaincu d'avoir un jour "la peau du désespoir".Thierry Radière avoue ses craintes au moment de passer sous les ponts autoroutiers lorsqu'un cycliste s'accoude au parapet.
Nolwenn Euzen évoque l'impossibilité à répertorier les choses, petites et grandes, car les idées comme les mots ne tiennent pas le chemin. La pratique de l'en-dehors, du non-lieu ne garantit rien non plus si le temps n'en fait qu'à sa tête.
Christophe Siebert clôt ce numéro avec une nouvelle intitulée Monstre. Un individu difforme se fait bombarder de fruits pourris dans les fêtes foraines. C'est son travail. Il ne se plaint ni de son salaire ni du regard haineux des sales types qui conjurent leur propre laideur. Il a l'habitude. Il a commencé à quatorze ans et il en a trente-cinq. Un jour, il rencontre l'amour. Il devient père d'une petite fille aussi belle qu'il est repoussant. Un conte de fées prend corps... Mais...

Ce numéro est illustré en couverture par Grégory Pichot (photo), et Doina Vieru (peinture). Jacques Cauda signe les vignettes de la partie Carnet.

Achetez FPM 14 (8 €) sur le site des éditions Tarmac en lien ici ou commandez-le chez votre libraire. Au plaisir de la lecture, vous ajouterez celui de donner un coup de pouce à une entreprise qui traverse une mauvaise passe.
Merci.

image éditions Tarmac

mardi 28 mars 2017

Katherine L. Battaiellie et Sophie Rousseau dans Voleur de feu

Voleur de feu - Toute l'histoire nous manque - Katherine L. Battaiellie, Sophie RousseauVoici venue, avec l'équinoxe de printemps, la sixième livraison de la revue Voleur de feu. L'ensemble textuel de Katherine L. Battaiellie s'intitule Toute l'histoire nous manque. Il pose la question essentielle, à la façon d'un géographe du dedans et du dehors, de ce qui peut rester à découvrir quand n'existe plus aucun territoire vierge à cartographier. La recomposition du monde relève alors de l'intime, dans une espèce de recommencement inaugural du chaos de la Terre et du chaos des corps. Il y a, dans les déplis poétiques de Katherine L. Battaiellie quelque chose de la genèse sans cesse à reprendre des profondeurs les plus secrètes.

"le temps est venu de ne plus attendre
de clore les rêves et le souvenir de l'odeur 
des forêts
le coeur à battre plus lentement
rester vivants recommencer"

Mais quelle histoire nous manquera à la fin de ce crépuscule de cendres et de laves ?

L'architecte et plasticienne Sophie Rousseau répond en échographe à Katherine L. Battaiellie avec ses encres et ses monotypes. Des paysages tantôt liquides tantôt rocheux, dont les  plans se distinguent ou se  brouillent en un bleu délicat, nous offrent une lecture impuissante à tisser un récit. Des photos nous montrent aussi des masses filamenteuses surgies des viscères et des étoiles et nous mesurons jusqu'au vertige notre détresse humaine à concevoir les infinis.
Encore une belle offrande de cette revue désormais bordelaise. En attendant la suivante.
Le lecteur peut consulter le site de la revue voleurdefeu.com et commander son exemplaire pour la somme de 15 €.

lundi 27 mars 2017

Maria José Passos, sculpteur et conteuse

Comme tous les humains depuis les commencements, Maria José Passos aime raconter des histoires. Elle ouvre son chemin le long des berges et des côtes où gisent de vieux bois malmenés par les tempêtes après les marées d’hiver. Elle se perd dans les dédales sombres et lumineux de sa ville, recueille toutes sortes de choses oubliées à l’entour des chantiers, des décharges, des  ruines où le regard de l’artiste se plaît à farfouiller.
« Je vis près de la mer, d’une église et d’un cimetière où j’ai l’habitude de me promener et je me prends à regarder les photos sur les tombes… Mon atelier est plein de ce que je rencontre : poupées démembrées, restes de chaussures et de bateaux, ferrailles rouillées… », écrit Maria José Passos sur l’affiche de son exposition Contaram-me histórias/ Ils me racontaient des histoires à la galerie Geraldes da Silva à Porto.
La sculpture-qui-raconte de Maria José Passos peut s’apparenter à l’arte povera de Mario Merz. Les morceaux de céramique assemblés avec des branchages jaillissant des corps ou des cerveaux témoignent que les histoires sont parfois des fleuves intranquilles. Le tragique s’installe souvent à côté du naïf. La solitude et le silence recouvrent parfois le bruissement de la langue. La parole suffoquée voire interdite est également suggérée dans certaines installations. Une clé couture ici les lèvres, et là, aux pieds d’un enfant épinglé dans sa marche, des carabines rappellent l’oppression de toujours.
L’œuvre ci-contre évoque peut-être le charroi féérique des enfances. Quelle est donc cette figure-oiseau tendue vers un cerceau ? Mais on aperçoit dans les roues, pauvres Sisyphe, ces condamnés à mouvoir l’attelage du monde, à moins qu’il ne s’agisse de trublions facétieux, qui vont à hue et à dia…




L’œuvre suivante, plus ténébreuse, aurait plus à Louise Bourgeois qui y aurait reconnu ses obsessions. Quel est donc cet étouffoir d’où peinent à s’échapper les branches mortes ? D’où vient le liquide rouge contenu dans la bouteille ? A chacun d’imaginer son propre récit…

Rui Paiva, céramiste et sculpteur

La céramique est considérée comme le premier art du feu. Apparue dès le paléolithique, elle se développe partout dans le monde au néolithique. Elle s’affranchit rapidement de la seule fabrication d’objets utilitaires, (assiettes, plats, jarres…), devient art décoratif, (vases, bijoux…), puis accède au statut de l’art à part entière.
Rui Paiva, céramiste portugais, est un artiste à part entière qui travaille le grès. Il interroge la lumière sombre au cœur de la matière, durcit les bleus et les verts, oxyde les surfaces brutes ou polies. « Nous sommes une somme sans fin de sentiments, de savoirs et de sensations. », écrit-il. Qu’il s’agisse d’objets détournés ou de pièces abstraites, cette triple mémoire constituante de l’humain traverse l’œuvre tout du long.
Rui est également sculpteur. Son matériau de prédilection est le fer. Il le façonne et l’assemble, l’étame et l’étampe, ou laisse la rouille poursuivre son travail de corrosion, dans l’en-dedans comme dans l’en-dehors. Parfois, une simple pointe oubliée sur un chantier, un anneau dont on n’a plus souvenance de l’usage, offrent au regard cette belle pauvreté qu’on trouve notamment chez Antoni Tàpies.
Le grès et le fer entretiennent un lien étroit dans cette œuvre singulière. Des dialogues très empreints d’affects se tissent. Le spectateur attiré par les échos de l’ordinaire peut y entendre ses propres voix.
La sculpture-cube ci-contre est un hommage au père de l’artiste, lequel exerçait le métier de ferronnier d’art. La partie haute présente des affaissements, des brisures qui symbolisent le naufrage du grand âge, la dépossession de soi.



Cette autre réalisation nous montre un objet au caractère détourné voire indéfini dont les protubérances peuvent évoquer des tubes digestifs tronqués ou les pédoncules d’un anatife sur son rocher. D'inquiétantes visions de succions premières, nourries qui sait par les chimères des enfances humides… Et c’est ainsi que l’univers de Rui Paiva m’enchante et me retient. 









N'hésitez pas à rendre visite à Rui Paiva sur son site sobrement intitulé Rui. Ses images sont de meilleure qualité que les miennes.
Rui Paiva vient d'exposer à la galerie Geraldes da Silva à Porto un ensemble de sculptures et de céramiques " afectos ", en compagnie de Maria José Passos.

dimanche 26 mars 2017

Viagem a Porto, 18

 Hier, visite de deux églises côte à côte, siamoises même. Igreja do Carmo. Igreja das Carmelitas. Toujours cette pesanteur baroque sans repos possible pour les yeux et la pensée. Un office dans chacune. J’observe discrètement. Une dame très âgée portant qui sait perruque argentée tient son public depuis la chaire. Ses litanies sont reprises en chœur par les fidèles. J’ai le sentiment de vivre dans un film de David Lynch. Presque peur.
Le soir, j’ai mangé pour la troisième ou quatrième fois, plutôt quatrième, dans le bar où j’ai pris mes habitudes. Froid sec. La terrasse est chauffée mais je demande au serveur une couverture pour mes jambes, c’est prévu. Derrière moi, des Espagnols. Je reconnais tout de suite les différences dans la langue.
A l’intérieur, plus une place de libre pour cause de match de foot. Le foot, cet universel dont je ne suis pas. Les Espagnols demandent si les Mexicains jouent mais je n’ai pas compris la réponse en portugais.
Trois musiciens percussionnistes, de quelque fanfare peut-être, en uniforme trop voyant, tambourinent fortissimo dans la rue et traversent la praça dos Poveiros.
Les chiens n’aboient pas.
J’essaie de passer ma commande en portugais :
Um prato de batadas fritas, um copo de vinho tinto.
Le serveur est content. Les gens apprécient quand on s’intéresse à leur langue et ils ont mille fois raison. Comme je compte revenir l’an prochain, je vais me pencher sur cet idiome qui chuinte.

Et j’ai commencé Les intermittences de la mort / As intermitencias da Morte de José Saramago. Un roman surprenant dans l’écriture. Quant au sujet, il peut faire penser à Marcel Aymé, l’audace stylistique en prime.

Viagem a Porto, 17

 Un peu de tristesse pourrait m’étreindre. Demain dimanche. Bientôt le départ. Mon séjour étant aussi littéraire que touristique, je vous recopie une page de José Saramago dans Menus souvenirs.

« La pluie tombe, le vent malmène les arbres dépouillés de leurs feuilles et une image émerge du passé, celle d’un homme grand et maigre, vieux, maintenant qu’il est plus proche, sur un sentier inondé. Il tient une houlette sur l’épaule, porte une capote ancienne et couverte de boue sur laquelle ruissellent toutes les eaux du ciel. Des porcs marchent devant lui, tête basse, groin rasant le sol. L’homme qui s’approche ainsi, brouillé par la pluie qui tombe à seaux, est mon grand-père. Le vieillard est fatigué. Il traîne avec lui soixante-dix ans de vie difficile, de privations, d’ignorance. Et pourtant c’est un homme sage, silencieux, qui n’ouvre la bouche que lorsque c’est indispensable. Il parle si peu que nous nous taisons tous pour l’écouter lorsqu’une espèce de lueur d’avertissement s’allume sur son visage. Il a une façon étrange de regarder au loin, même si ce lointain est seulement le mur en face de lui. Son visage, figé mais expressif, semble taillé à l’herminette, et ses yeux, petits et perçants, brillent de temps à autre comme si une pensée qui lui avait traversé l’esprit venait d’être enfin comprise. C’est un homme comme tant d’autres sur cette terre, dans ce monde, peut-être un Einstein écrasé sous une montagne d’impossibles, un philosophe, un grand écrivain analphabète. Quelque chose qu’il ne pourra jamais être. Je me souviens de ces nuits tièdes d’été, quand nous dormions sous le grand figuier, je l’entends parler de sa vie, du chemin de Saint-Jacques qui resplendissait au-dessus de nos têtes, du bétail qu’il élevait, des histoires et des légendes de son enfance lointaine. Nous nous endormions tard, bien enroulés dans nos couvertures à cause de la fraîcheur de l’aube. Mais l’image qui ne me quitte pas en cette heure de mélancolie est celle du vieillard avançant sous la pluie, obstiné, silencieux, comme s’il accomplissait un destin que rien ne pourra changer. Si ce n’est la mort. Ce vieillard, que je touche presque de la main, ne sait pas comment il mourra. Il ne sait pas encore que quelques jours seulement avant sa dernière heure il aura le pressentiment que sa fin est arrivée et il ira d’arbre en arbre dans son jardin étreindre les troncs, leur dire adieu, prendre congé de leur ombre amie, des fruits que plus jamais il ne mangera. Car la grande ombre sera venue, en attendant que la mémoire le ressuscite sur le chemin inondé ou sous la voûte du ciel et l’éternelle interrogation des astres. Quelle parole prononcera-t-il alors ? « 

samedi 25 mars 2017

Viagem a Porto, 16

 Vendredi 17. Soleil. Le restaurant d’une galerie d’art qui donne sur le jardim das Virtudes. Avec Rui Paiva, Maria José Passos et leur amie Carmo qui se débrouille bien en français, qui aime le parler, cela se devine.
A propos de langue, Maria a posé sur la table un dictionnaire portugais/français. Le livre me semble neuf. L’aurait-elle acheté pour faciliter nos échanges ? Délicatesse. Envie de connaître l’autre. Tout cela qui pourrait sauver les hommes si…
Le vin est doux et coule avec les mots cependant qu’un énorme oranger a couvert ses branches de fruits encore pâles. Bientôt, gorgés du soleil de juillet, ils seront une offrande.
Nous parlons de tout. De littérature et d’art. De politique. Nous éprouvons le même effroi de la montée des droites extrêmes, de la corruption qui gangrène aussi bien le Portugal que la France.
Nous parlons du quotidien. Indispensable. Carmo vit à cinquante mètres de l’océan, près d’une chapelle cernée par la houle à marée haute. Jeune retraitée qui préfère la nuit au matin, elle parle de son travail de directrice d’un centre pour handicapés légers. On perçoit l’engagement dans la cause humaine, partagé par Maria et Rui qui, en tant que plasticiens, ont œuvré pendant vingt-cinq ans à ses côtés.
Un très bon moment avec un excellent gâteau à l’orange. Et je me confonds en remerciements car je suis invité. Muito obrigado.
Aujourd’hui samedi, un peu de fatigue. Lire José Saramago. Menus souvenirs. As pequenas memórias. L’enfance et l’adolescence de l’auteur à Lisbonne, dans un milieu très pauvre, voire miséreux. Qui s’élèvera un peu, un peu seulement, quand le père deviendra agent de police. De la tendresse mêlée de rudesse. De la cocasserie dans les anecdotes. Quelques menues cruautés aussi, commises ou subies. Et la découverte des mots à lire et à écrire. Pour sauver en soi ce qui peut grandir d’étrange et généreux.

Je lirai d’autres livres de Saramago. Ses romans. Commencer par cet ouvrage de souvenirs me permet d’apprivoiser l’homme, pour mieux entrer dans sa littérature. Faire corps avec.

première image, oeuvre de Maria José Passos
deuxième image, oeuvre de Rui Paiva

Viagem a Porto, 15


Mercredi 15 mars, alors que je me rendais sur les rives du fleuve où il n’y avait pas de haleurs, une moto s’arrête près de moi à un feu rouge. Me fait signe. J’attends, intrigué. Et je reconnais Rui Paiva dès qu’il ôte son casque. Nous sommes contents de nous voir. Il va à son travail dans son école d’arts. Il me dit : « Mangeons ensemble vendredi midi avec Maria. »
Je réponds OK, glad to meet you again with Maria. Je suis ému. Je suis non seulement capable de voyager seul mais aussi de rencontrer des gens, de qualité, et de me rendre suffisamment intéressant à leurs yeux pour qu’ils m’invitent.
J’en doutais. C’est peut-être sot mais j’en doutais vraiment.
Le soir du même jour, j’ai mangé à la terrasse du bar où j’ai pris mes habitudes. Pourquoi celui-ci ? Et pas celui d’à côté non moins accueillant ? Mystère.
Mystère aussi que l’humain ait à ce point besoin d’habitude ! Faudrait interroger un philosophe sur le sujet.
Un jeune couple bien propret s’est aussi installé à la terrasse. Lui : un brun aux cheveux impeccablement coupés. Une chetron de trader en goguette. Elle : une blonde vaporeuse trop maigre, assez jolie mais maniérée. Sa façon de faire pisser le chien sur le petit bout d’herbe en face, sans regarder, surtout pas, ce que commet le toutou, m’a fait rigoler. Doit être chiante, la meuf !
Et en plus, ils ont garé la voiture juste devant, un modèle de gamme moyenne-supérieure et rutilant.
Bref, praça dos Poveiros, ce couple n’était pas vraiment inséré dans le décor.

Sinon, beaucoup marché en me rendant sur l’autre rive. Vila Nova de Gaia, avec ses chais tous les trois mètres, ses bus de touristes, ses étals de breloques et autres bimbeloteries, ses restaurants standardisés, m’a ennuyé. Heureusement, il y avait le téléphérique juste au-dessus de ma tête. J’ai souvent levé les yeux pour suivre les cabines, notamment quand elles se croisaient. Et le ciel était bleu comme si on l’avait ripoliné. Et j’en suis déjà aux deux tiers de mon séjour !

première image, clin de main à Bacon
deuxième image, jardim das Virtudes

vendredi 24 mars 2017

Viagem a Porto, 14


Pedemeia au 209 de la rua Santa Catarina est une boutique où on ne vend que des chaussettes. Il y en a pour toutes les tailles et tous les goûts. Les coloris sont très variés, du plus pâle au plus foncé, et attirent les touristes étonnés. Les prix sont doux. La serveuse a vu que je suis français.
Ce concept de magasin doit bien marcher car il y a des Pedemeia dans tout le Portugal. A Lisboa. A Coimbra. A Leiria. A Faro. Et même en Espagne à Pontevedra.
Vive la chaussette donc pour monter et descendre les rues portuenses, mais gare aux accrocs. J’en ai acheté trois paires dont une orange pour Giro.
Avant cela, je me suis rendu à la livraria Bertrand qui existe depuis 1732.  «  A livraria mais antiga do mundo é portuguesa. » C’est écrit sur les poches et je recopie. Elle propose un nombre assez important de romans en français. Et même la poésie de Pessoa.
J’ai acheté deux Saramago, que je n’ai toujours pas lu, et parce qu’il me paraît normal de m’intéresser à la littérature portugaise au Portugal plutôt qu’à une autre.
Titres des livres : Menus souvenirs /Les intermittences de la mort
Je vais commencer par les souvenirs pour me faire une idée du bonhomme Saramago et j’attaquerai le roman ensuite.
Voici ce qu’en dit la quatrième : « Dans un pays inconnu, plus personne ne meurt. Les hôpitaux regorgent de malades, les entreprises de pompes funèbres et les compagnies d’assurance font faillite, les familles conduisent les membres les plus encombrants aux frontières, l’Eglise est menacée de disparition : sans mort, pas de purgatoire, de Paradis ni d’Enfer… Mais un beau jour la mort revient sauver les hommes. »
Simone de Beauvoir a écrit sur le même sujet mais la non mort ne concerne qu’un seul individu.

Bref ! Tout pour me plaire. Maintenant je vais aller glisser dans la boîte aux lettres rouge les trois cartes postales en noir et blanc que j’ai fini par écrire.


Photo jardim marques de Oliveira, où sont passées mes chaussettes