jeudi 13 août 2020

Cinq cents articles publiés au milieu du gué, 1

 Cinq cents est un nombre tout bon tout rond pour faire un bilan tout pimpant tout réjouissant.

J'ai créé mon blog le 5 octobre 2011 avec un topo sur mon recueil Battre le corps. L'article a été vu 37 fois.

Très vite, je me suis lancé dans la chronique de livres. Des romans bien sûr, des recueils de poèmes évidemment, mais aussi des essais en sociologie, anthropologie, histoire et philosophie. (Corbin, Augé, Rödel, Filiu, Pline le jeune...)  Dans le domaine littéraire, je n'ai pas oublié les revues, si indispensables à la circulation des mots. (Phaéton, Le Festival Permanent des Mots, La Piscine, Métèque, Voleur de feu, Rebelle, Vol)

N'étant pas meilleur que n'importe qui d'autre, j'ai aussi publié quelques-uns de mes textes dont les poèmes que j'ai écrits en espagnol (Poemas pobres y algo màs), des récits de voyage (à Porto et à Angoulême) et des morceaux de romans ou de récits dont Merci maman de m'avoir abandonné.

Avec le temps, mon intérêt pour le blog s'est émoussé. Et je suis un fainéant incurable. Une chronique me demande au moins deux heures de travail après une lecture attentive de l'ouvrage, accompagnée de relectures partielles. Alors, le titre de cet article est peut-être inexact. Irai-je jusqu'à mille articles ? Rien n'est moins sûr. 

Je reste cependant heureux d'avoir évoqué ici toutes sortes de livres d'auteurs connus ou inconnus, voire oubliés. Voici quelques rappels :

- Perrine Le Querrec, Le Plancher, 9 mai 2013, 224 vues

- Hélène Révay, L'écaille de la nuit, 2 mai 2015, 661 vues

- Thomas Vinau, Bleu de travail, 10 septembre 2015, 253 vues

- Béatrice Mauri, Iench, 7 mars 2016, 212 vues

- Maurice Pons, Les saisons, 2 mai 2016, 541 vues

- Patrick Rödel, Michel Serres, la sage femme du monde, 16 juin 2016, 685 vues

- Rick Bass, Toute la terre qui nous possède, 10 juillet 2016, 984 vues

- Christophe Sanchez, Morning à la fenêtre, 14 septembre 2016, 1300 vues

-Brigitte Giraud, Passage au bleu, 15 septembre 2016, 1234 vues

- Alain Corbin, Histoire du silence, 25 septembre 2016, 1112 vues

- Edith Masson, Des carpes et des muets, 20 octobre 2016, 1175 vues

- Frédérique Germanaud, Quatre-vingt-dix motifs, 24 juin 2017, 158 vues

- Leo Perutz, La troisième balle, 27 juillet 2017, 60 vues

- Friedo Lampe, Orage de septembre, 11 août 2017, 125 vues

Il semble que l'année 2016 ait été faste pour le fréquentation du blog. Des Chinois, allez savoir, se seront intéressés à ma production, domaine où ils excellent c'est bien connu.

La suite demain ou après-demain...

Photo personnelle


vendredi 29 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi (après)

La route est le dernier vestige à faire corps avec le paysage depuis que les humains ont disparu. Quand le ciel a retrouvé ses couleurs à la suite d'une tempête magnétique, les arbres se sont repliés de l'autre côté du monde. Les animaux les ont suivis. Une longue procession par voie de terre, d'eau et de nuages. Silencieuse. Obstinée. Puis le béton des enceintes et des tours s'est effondré en un souffle, comme s'il n'avait jamais été qu'un trompe l'oeil. Quelques ombres sans objet témoignent encore de la vie qui clopinait là. Presque absente déjà sous les allèges affaissées. Dans les brisures aux angles de fuite. Les rêves grandissent mieux dans les espaces contraints où le noir persiste. Le promeneur n'est pas parti avec les animaux de l'autre côté du monde. Le ciel y est rouge comme s'il saignait et tombe trop bas sur les ramures. Un grésil crevassé étouffe la surface des rivières et des lacs. Le promeneur pense à un corps qu'on aurait battu à mort. Et frissonne. Le refuge de pénombre qu'il a creusé dans le sable ne durera pas. L'étayage des lauzes contre les parois craque déjà. Il devra s'en aller. Quitter ce séjour où il pensait pouvoir accomplir sa solitude. Plus au nord, les ocres semblent plus tendres. Des nuances vert sombre laissent deviner des présences qui résistent aux travers de la lumière. Quand le noir et le blanc reviendront ajuster le jour à la nuit, des herbes rases se lèveront avec le vent. Des remuements parmi les lichens et le long des hampes annonceront de nouvelles naissances. Le promeneur n'a aucune idée de ce qu'elles seront. Quels signes adresseront-elles à son regard ? A sa patience dans l'épreuve des durées ? Il faudra marcher longtemps encore. Traverser de vraies coulisses et de faux décors. Ecouter les silences entre les bruits. C'est là que se trame la possibilité du réel. Une construction de formes changeantes. Les arbres le savent bien. Quand la route aura elle aussi disparu et que les couleurs se seront de nouveau effacées, ils reprendront le fil de leur écriture. Sous la terre et sous les étoiles. Dans la mire du noir et du blanc.

samedi 23 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi (avant)

Les grains du sable et les grains du ciel. L'accord des ocres et des bleus. Dans le premier silence du monde. Parfois, au pli d'un contrefort, le vent exhume des restes indéfinis. Les fragments rassemblés dessinent des empreintes qui ne témoignent de rien. L'image ne dure pas. Ne peut pas durer sans mémoire. Des animaux pourtant ont passé comme passent les nuages. Des meutes. Des hardes. Des envolées. Ou des processions ténues de petits peuples. Chassées par les orages des confins et le fracas monté de la chair. Vers la mort qui n'avait pas encore de nom. Rien n'était désigné du visible et de l'invisible. Aucun regard ne faisait la part de l'eau et du feu qui régnaient sur les choses. Puis. Mais dans quel temps ? Quelle durée à même de dissoudre le flou des illusions ? Des humains sont venus. Ont découvert le paysage sous le silence. Ajusté leurs gestes aux courbes des étendues. Le ciel et la terre se sont apaisés. Des ocres plus profonds ont tracé des lignes nouvelles, inventé de nouvelles correspondances avec le passage des bleus. Bientôt, des rehauts de rouge feraient corps avec les veines blanches de l'horizon. Et le regard enfin trouverait sa juste mesure. Entre les remuements du sable et l'énigme des étoiles. Mais les humains s'inquiétaient des longues fatigues qui suintaient dans leur sommeil. Rêver ne les tenait plus debout. Trop de sang avait coulé pendant le voyage, parfois jusqu'à la dernière goutte en emportant les viscères. On ignorait pourquoi. Aucune blessure préalable. Aucune douleur. Les rescapés avaient chargé sur leur épaules ce qui restait de peaux et d'os et le voyage s'était poursuivi tant bien que mal. Avec les mêmes paroles économes, à bas bruit contre le charivari universel. Celui-là même qui, désormais. Insidieux dans la mélancolie. Les rêves pesaient de plus en plus lourd. Les gestes s'étrécissaient. Les grains du sable et les grains du ciel oxydaient la pensée élémentaire. On ne comprenait plus le vent. On doutait de la présence de la lumière. On. On. Puis le noir tomba.

mercredi 20 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi, 5




















Des rumeurs encore. On dirait qu'elles ont mille ans. Qu'elles viennent d'un autre monde. D'une autre langue. Les murs noirs ont chassé la lumière de l'espace et du temps. Les chemins se jettent dans le vide. Les troupeaux à l'écart ont les yeux qui éteignent. Et la tour veille comme elle a toujours veillé. Sur l'invisible. Un jour, il apparaîtra.

Le promeneur relève son col. Quelque chose en lui sourit. D'une mémoire plus ample que son corps. Avec ces mots qu'il saisit : l'univers passe par mailles comme une vieille chaussette l'infini n'est jamais qu'un fini qu'on ne sait pas finir

Et il se met à rire en regardant le ciel. Cette mélasse tombée d'un faux plafond. Un machiniste grimaçant la verse à seaux percés. Le paysage peut bien tomber aussi. Qui voudrait le relever ? Au prix de quels mensonges ?

Le promeneur se réfugie sous l'arbre et s'apaise. C'est un lieu sûr même pour douter. Et si l'univers était vraiment une vieille chaussette ? Un frémissement traverse le feuillage, dessine une échancrure. Un autre récit pourrait se déplier. Avec l'assentiment du petit peuple des écorces. Il ferait cercle autour du promeneur et prêterait sa voix. Mais le conte serait bancal. Rien n'existe sans ce qui trébuche.

samedi 16 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi, 4

Le promeneur a toujours deviné que les arbres écrivent aussi. Que les empattements des branches jetées contre le ciel tiennent le paysage debout. Dans ses enfances déjà, il n'imaginait pas les échos de la rivière sans les jambages des saules. Les coulures des écorces au fond des marais traçaient des signes avec la terre qu'il aimait fouler.

Après tant et tant de marches, comment savoir ce qu'écrivent les vieux fûts des vieilles forêts comme les jeunes pousses des jardins verts ? Dans quelle épreuve du regard retremper la patience ?

Attendre encore. Interroger la matière noire des entrepôts déserts, plus loin, sur le front du rivage. Oser des correspondances restées lettres mortes. Les créneaux du béton sont des chicots. Les vastes oiseaux des mers ne viennent plus là depuis longtemps. A quoi bon apporter des messages que personne ne lira !

Mais le promeneur ne renonce pas. Il y a tant de rumeurs dans son corps et dans le corps du bois. Venues d'un temps si lointain. Au coeur de la chair comme au coeur de la cerne. Des réponses possibles. Ou rien.













mercredi 13 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi, 3




















 Il y a eu un drame ici. Personne ne sait dire vraiment, accident ou suicide, meurtre pourquoi pas. Des murmures parfois, autour des poutrelles où le vent s'est pris, ravivent les inquiétudes. Quelqu'un aurait vu des choses. Aurait été seul à les voir. Puis a disparu.

Le promeneur n'est pas inquiet. Il aime disparaître quand il marche. Son corps s'efface parmi les herbes du talus au bord de l'autoroute. Son esprit va plus léger à la rencontre du fleuve en contrebas. La lumière suspend tous les mouvements à ses entours. Ni les nuages ni les oiseaux ne font signe. L'eau reste sans tain.

Il faut descendre encore, disparaître davantage. Dans une durée plus ample du paysage. Où l'arbre se déplie comme un récit. Quatre cavaliers reviennent d'un lointain voyage. Ils ont des lévites et des aigrettes. Leurs yeux se sont étrécis d'avoir trop vu la débâcle du monde. La paix est là pourtant, sous le ciel de crépi qui ouvre les ramures. Le sang ne coulera plus. Les oiseaux retrouveront le chemin des poutrelles.

Le promeneur remonte lentement vers l'autoroute. Mais à qui appartient cette silhouette assemblée sur le bitume ?

lundi 11 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi, 2



Personne n'est venu habiter là. Personne n'y viendra jamais sans qu'on sache pourquoi. L'horizon n'est pas un lieu sûr pour les corps quand le vent reste à l'affût. Mais de quoi ? De qui ? Que disent les arpents de terre sèche entre les tours, les orties couchées sous les allèges ?

Le promeneur a de sombres pressentiments. Trop de vide pèse sur ses épaules. Il cherche un autre décor dans les embrasures du décor. Les lignes y feraient des plis, dessineraient des envers. Un frisson traverse l'esprit et le regard. Les ombres non plus ne sont pas sûres.

L'arbre nu résiste seul à la poussée du ciel. Ses ramures noires soutiennent comme elles peuvent le paysage désemparé. Le petit peuple des écorces se blottit et attend. Une trouée de blanc écarte déjà les nuages. Un oiseau la traversera. Ou un avion. Ou le rêve d'un enfant perdu.

Le promeneur sourit. Ressaisit son corps contre le vent. Il y a tant de coulisses entre les images. Entre le noir et le blanc.



samedi 9 mai 2020

Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi, 1


Les arbres écrivent aussi. Le paysage à l'entour ne serait rien sans leurs courbes jetées en plein ciel. Les murs des hautes tours offrent à la lune des saillies plus profondes. Une conversation chuchotée, surtout ne pas déranger l'ordre invisible de la nuit, pourra suspendre la fatigue du promeneur. Les arbres durent si longtemps et le béton si peu. Comment faire alors le partage des mélancolies ? Dans quelle pliure des écorces ? Dans quel aplat des rectangles borgnes ? 
Le promeneur prêtera l'oreille et le regard. Les signes sont des gestes. Le mouvement parle davantage quand il est immobile. Sa langue ne dissout aucune énigme sur les traverses du monde. Ne révèle que les ombres des présences.
Un frisson passe à fleur de peau. Le promeneur relève son col. Il devine des étendues qu'il n'avait jamais soupçonnées. Il devine qu'il aura besoin de beaucoup de lenteur pour comprendre ce qui guette sous le noir. 
Peut-être qu'il se mettra à écrire.

(J'ai proposé à Cédric Merland d'écrire sur son univers photographique. Ses arbres et ses géométries urbaines me plaisent tout particulièrement. D'où ces diptyques. Entre poésie "pure" et narration. Il s'agit d'un premier jet qui pourra être retouché au fil des différents essais. Et peut-être même qu'il y aura, pour lier l'ensemble, quelques grains de sable en couleurs.)

mercredi 15 avril 2020

Christophe Sanchez, La ligne sous l'oeil

Christophe Sanchez (@_chsanchez) | TwitterAvec La ligne sous l'oeil, publié aux éditions Gros Textes, Christophe Sanchez poursuit son chemin de patience et de fragilité. La fatigue d'être soi revient obstinément au détour du poème. Et les mêmes questions y résonnent. Comment faire la part du visible et de l'invisible ? Le réel relève-t-il de la croyance ? Jusqu'où aller pour se dissoudre dans l'absence ?
Ayant chroniqué plusieurs ouvrages de Christophe Sanchez, le commentaire cède la place à des copeaux sombrement fulgurants. A l'aune d'une lecture fragmentaire qui transfigure l'ensemble textuel en interrogeant ce qui apparaît.

L'orgueil abat la langue
entre moi et le monde.
Rien ni personne ne retient
ces petits foudroiements.

Alors je continue à mentir,
une huile rance sous la paupière.

Une parole s'éteint sous la lampe,
plus aucun mot pour dire l'ombre.

J'abolis en marge de la peine
la mort étendue sur nos ventres.

Trop de lumière hache le ciel 
pour comprendre sa langue.

J'entends le ciel monter
sur son échafaudage
la voix serrée d'un enfant
Un linge humide passé
sur mes paupières suffirait
pour retourner le rêve.

Quoi qu'il en soit du monde,
la légèreté de l'oiseau dans l'oeil.

Ressac de l'enfant aimé et traqué,
une part de moi aussi lasse qu'éperdue.

L'oeil grandit sous l'étincelle
mais qui nous voit ainsi écarquiller
connaît le souffrir des lendemains
l'insoluble image au bout de la course.

Je cherche dans le ciel trop bleu
une insouciance à qui sourire.

Je me range dans le revers du silence,
dans ses plis où rien n'assiège le ventre.


La ligne sous l'oeil, accompagné d'un dessin d'Olivier Sada et imprimé sur un beau papier coquille d'oeuf, coûte 8 euros.

samedi 14 mars 2020

Les poètes en herbe de l'école de Puybarban

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Puybarban est un village du sud de la Gironde, tout près de la bourgade de La Réole et à une portée de fusil à crinière de Pondaurat. Brigitte Giraud et moi-même y rencontrons les enfants de cycle 3 le mardi 10 mars, pour les faire écrire. Une école calme. Seulement trois classes. Rien à voir avec les chaudrons bouillants que nous avons connus à Bordeaux-Nord il y a trente ans. Après avoir entendu des poèmes d'Andrée Chédid, Jean-Pierre Siméon, Robert Desnos et le facétieux Rimbaud dans son "Au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir...", mon groupe de cm1/cm2 a courageusement taquiné la plume, a laissé venir à lui les vers (mi sucre mi sel) dont voici quelques extraits. Je les en remercie vivement car "dans mon pays on remercie".


Je garde un peu d'espoir
Au fond de moi
Je choisis le bonheur
Que j'ai cueilli dans les yeux
De mon ami
J'y mets aussi de la couleur
Dans la vie des autres         (Lenny)

Quand j'ai très peur,
mes pensées se transforment
en crapauds gluants.
Et je vois que j'aime la musique.
Les notes bleues, vertes...
Alors j'écoute et je souris.
Je chantonne.
A ma liberté retrouvée.
Les petits monstres avec des dents...
Je les chasse de mon ventre.              (Eléa & Marie-Claire)

Notre planète
Notre navire a tant de blessures
Elles ne se referment jamais
Quoi qu'on dise
Quoi qu'on fasse
Il nous faudra du courage
Pour les surmonter.
Elles ne sont pas invincibles
Il faut juste les surmonter                  (Louna)

Mes rêves ne sont plus libres
Dans la cabane au fond du jardin
Brille un caillou bleuté
Je m'étonne de ses beautés
Il me regarde comme
S'il voulait du calme et de la richesse
Ses yeux ne sont pas brillants
Mon rêve est une libellule
Mon courage est ma liberté               (Clarisse & Lily)

Il y a un enfant malheureux
Je ne ferme pas les yeux
Je mets ma main sur son épaule
Quand je vois son visage
Dans la vie de tous les jours
Je cherche des mots
Qui vont éclairer d'une lumière
Ma liberté
Il m'éclaire aussi           (Mathéo)

image datatlas.com Commune de Puybarban