Proposer au lecteur un recueil de proses sur un été à la plage et autour, c'est risquer l'enlisement dans le ventre mou des dunes ou, pire, une chute fatale dans un bain d'huile solaire. Il faut donc bien du talent pour traverser sans encombres cette expérience d'écriture du sable et de l'eau, du vent et du ciel...
Jean-Baptiste Pedini, auteur de Passant l'été publié chez Cheyne et récompensé du prix de la Vocation 2012, a ce talent-là et même davantage. Sa poésie, très simple voire nue, sait élargir le champ de la désignation ordinaire pour en franchir les marges et dire au-delà toutes les énigmes de vivre.
En voilà un exemple : " Il y a le vent qui secoue les pins parasols. Les bulles à marée basse, les coquillages pleins de sable." L'auteur écrit ce qu'il voit, simplement. Puis il continue avec : " Il y a cette main qui promène un rouleau sur le ciel. Qui repeint pour de bon. Qui efface les restes." Cette notation sur la main engendre un retour de lecture et les pins, les bulles et les coquillages sont transfigurés.
Je pense à Pierre Reverdy dont Hubert Juin dit qu'il [convoque le réel absent]. Cette citation s'applique tout à fait à l'art de Jean-Baptiste Pedini. Ce très jeune auteur n'a pas fini de nous étonner et je m'en réjouis au point de vous offrir l'un de ses textes en entier.
" Un vélo contre un arbre. Un sourire suspendu aux branches les plus hautes. Et les genoux en sang. Les pantalons sales et usés. Quelque chose dans l'air fait fuir la sagesse. On pousse la bienséance dans les orties. On crache dans la main tendue du matin. Et sur les oiseaux qui sifflotent. Sur l'herbe jaune et sèche que les randonneurs mâchouillent. On s'y jette malgré tout et on roule jusqu'à ne plus rien distinguer des feuilles mortes et de l'écorce, du sentier planté dans le ciel. Le monde est à notre portée. On rêve sur le dessus."
La prochaine fois que j'irai voir et entendre la mer, c'est sûr, je penserai à Jean-Baptiste Pedini. Lisez-le sans tarder. Vous ne vous enliserez pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire