Tous les jours
je mène paître mon corps*
Apprendre la patience infinie des
troupeaux
Mais le chemin est si long pour le sang
de travers
Combien de jours encore
A dissoudre
Quelle langue voudra bien me suivre
Anise Koltz, Chants du refus II, 1995
L'enfant immobile de nos gestes
attend l'épuisement
de toutes nos paroles*
On cherche en vain les silences
Qui apprivoiseraient sa mémoire
D'avant toute lumière
Quand macéraient en lui les fièvres de
la mère
Ils pourraient sauver ce qui le fige
encore
Dans une peau qui le tient mal
Ouvrir son visage à d'autres visages
On ne comprend pas encore pourquoi
Nos mots le tuent
Jean-Louis Giovannoni, L'immobile est un
geste, 1989
tous les reflets dans ses eaux
mémoire
qui va s'écoulant*
Comment nommer ce qui va vers le fleuve
Dans la fatigue de la marche
Y retrouver quoi de la mémoire dormante
Des ciels bas défilent avec des ombres
Des pierres comme des meules
Ont des rumeurs de lame blanche
C'est de là que tu viens et tu y
retournes
Disent les éboulis des berges
Les gendarmes étourdis le long des
herbes
De l'autre côté de l'eau des oiseaux
font des signes
Il faudra bien les apprêter
Avant de passer
Françoise Hàn, ne pensant à rien,
(Rivière souterraine), 2002
Au guet sous chaque ombre
la méfiance aux pieds nus
dévorée de mouches.*
L'image d'un coteau quand la lumière
chavire
L'enfant est seul sous l'arbre seul
Avec des mots sans suite
Et soudain monte le bruit des mantes
Comme un frisson d'échine
Aucun secours ne viendra de la fille
Aux tresses bleues en bas du chemin
L'effroi reste sans partage
Daniel Boulanger, Tchadiennes, 1969
Le rire d'un enfant, comme une grappe de
groseilles
rouges.*
L'oiseau s'est tu dans les plis du
jardin
Une bête blanche rejoint l'ombre d'un
caillou
L'enfant rit
Qu'a-t-il entendu du silence sous ses
pas
Comment s'en délivrer
Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits, (Notes
du ravin), 2008
La lampe cueille le silence
Et fait parure au souvenir.*
La fenêtre assombrit
Le plancher de la chambre
Un grain de plâtre va tomber
Sur les ombres allongées près du lit
Je rassemble ici mes enfances
De berges et de margelles
De courtilières courant sous les humus
De corps figés dans la langue
Mais le cercle de la lampe se défait
déjà
Le silence ne tient plus mes mémoires
Les mots ont du sang sur mes lèvres
Hélène Cadou, Le bonheur du jour, 1956
Vois le vieil arbre qui entre en fleurs
Comme un grand prêtre entre, aveuglé,
Dans un délire blanc.*
Le regard ne tient plus dans la marche
Des plis de linge blanc traversent la
mémoire
Le printemps porte l'aube des souvenirs
Quand sonnaient les beffrois
Et que l'enfance avait rétréci les
gestes
L'arbre n'y pouvait rien
Ses promesses étaient trompeuses
Dans le silence des dimanches
Il fallait boire jusqu'au fond du corps
Toute la lie
Jacques Vandenschrick, Avec l'écarté,
1995
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