Les angles morts sont partout. Dans la langue d'abord, avec des "mots tordus" pour sonder les profondeurs du silence parmi les voix. Dans la mémoire aussi, aux échos trompeurs, qui revient par bribes, avec des trous que le poème ne sait pas combler. Même [l'enfance a du mal à se sortir des angles morts].
Dans ce bref recueil publié par Yves Perrine aux éditions La Porte, Jean-Baptiste Pedini explore les courbures ignorées ou si mal connues du réel, ses plis et ses replis, ses interstices, ses anfractuosités. Et tout est sans cesse à refaire, à recomposer, sous "un ciel menaçant ruine qui tient".
Le lecteur appréciera la forme heurtée de l'ensemble, précaire comme sont précaires les perceptions livrées à l'incertain des émotions, des sentiments.
La poésie de Jean-Baptiste Pedini est donc éminemment philosophique en cette tentative d'épuisement des espaces menacés par la dislocation. Qui dit toutes les fragilités de notre condition résiduelle. Et cette terrible lucidité, travail de chaque jour remis sur l'établi de la pensée. "Les mots qui réconfortent ils coincent". Les fusils d'assaut en plastique retrouvés au grenier n'empêcheront pas le ciel de nous tomber sur la tête.
Extrait :
On avance
un peu mieux
quand rien ne bouge
ni secoue
branches mortes
tout ce qui passe
entre lèvre et mémoire
se réinvente
bord de ciel
départ
improvisé en siècle
on le sait
le temps griffe
et efface
repousse les résidus
assez
pour tout reprendre du début
garder l'écorce contre soi
la lente saignée du jour
peaux solitaires
sur le chemin
sans ombres derrière
elles s'épuisent.
Angles morts de Jean-Baptiste Pedini est disponible chez l'éditeur : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon. Il coûte quatre euros. Un abonnement est également possible ( 22 € pour six recueils, port compris pour La France).
Image ladepeche.fr
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