jeudi 9 février 2017

Jean Follain sur mon chemin

Par la fenêtre donnant sur le labour
on voit briller des ustensiles
de cuivre ardent*
Garder le souvenir d'un visage penché
Sur la glaise
Sa bouche fermée aux remugles
Le soc luit sombre dans le sillon retourné
Des courtilières pourraient bondir
A l'assaut des corbeaux tapis
Le soleil de novembre s'effondrerait
Sans qu'on s'en étonne sous le ciel bas
J'ai toujours dix ans
Un froid me fait trembler

*

Des enfants se tenaient par la main
mais le plus grand seul parlait.*
Rester dans la place du silence
Les genoux serrés sur le manque
Le souffle à peine ouvert
Je suis pour toujours le petit
Aux gestes ancrés si mal aux gestes
Des mots passent au large
Avec les oiseaux et les chats
Dans la lumière lente des berges
Ont-ils des lèvres que je saurais saisir

*

L'homme entend
l'horloge à chiffres noirs
près des plis du rideau mouvant*
Je devine son cou penché
Sa main qui cherche un appui
Une solitude prise au dépourvu des heures
L'air même se dérobe à la fenêtre
Une rose blanche pique du nez
Sur la table nue
Je hâte mon pas
Je ne veux pas tomber

*

Alors on revoit les arbres
la plaine
et la route dure*
Des sonnailles tintent
Un troupeau qu'on ramène vers la soif
Et le ciel bas soudain
On a trop vite déplié les souvenirs
Des enfances à souffle court
On se trompe dans les gestes
Qu'on avait pour vivre les énigmes
Des brumes au bord des berges
Les arbres sans oiseaux
N'apportent aucun secours
La route n'en finit jamais
De durer

*

L'herbe a grandi au fossé profond
l'homme en marchant fixe
le nuage étiré*
Il reste beaucoup à traverser de soi
Jusqu'au soir
Beaucoup à apprivoiser des faux silences
L'herbe fait des plis dans la lumière
L'air couvera bientôt les braises du jour
Mon cœur se serre
Mon sang est une poix
Le nuage du sable dans ma bouche












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