J'en suis à ma troisième lecture du premier recueil d'Emmanuel Echivard, La Trace d'une visite. Je mentionne cela car j'ai le sentiment d'avoir découvert un auteur si déroutant dans sa puissance que je crains d'écrire des sottises.
Qui est donc ce "tu" présent/absent tout au long du livre ? Comment le nommer sans le réduire ? Peut-on lui attribuer un qualificatif qui ne limiterait pas son essence matérielle ?
Le lecteur saisira assez vite le "il" (et parfois le "elle") en ses déclinaisons humbles et fragiles, dites et muettes, joyeuses ou à la peine. Il y reconnaîtra son propre chemin tissé d'improbables. Dans le bruit comme dans le silence. Depuis les commencements repris sans cesse par la langue.
Et sans cesse il reviendra à ce "tu" qui porte en lui (et même en elle) tous les visages. Pour l'accueillir et le repousser. Dans l'espoir vain de désigner ce qu'est la vie, [ce que n'est pas la mort]. Puissant et impuissant dans les mêmes mots de toujours, les mêmes gestes de toujours.
En précipitant la besogne du sens, on peut décréter que ce "tu" est dieu. La figure du père et celle du fils (de la fille ?) apparaissent sans qu'on les distingue vraiment. Il y a dans le chant de ces proses poétiques des accents de parabole.
Mais cherchons plutôt à nous détacher lentement des apparences. Emmanuel Echivard aime effacer les traces dans le corps des mots comme dans le corps des paysages. Car c'est en se perdant que le lecteur, peut-être, puisera en lui le désir de semer des cailloux...
Extraits :
Tu es un vertige, dit-il, le chaos de rochers
que le brume de midi a pris.
Puis l'après-midi a passé. Lui s'occupait des
ronces à arracher. Il t'a oublié.
Mais quand le soir arrivera, il s'étendra sur
le sol pour t'entendre passer.
Etonné, il regarde l'arbre, le chat, le porte-
crayon de bois qu'un enfant a donné. Regards
du monde que rien n'étreint.
Quel murmure se lèvera de ce qui n'a pas de
nom ?
Tu serais dans la brise légère, dit-on.
Il ne voyait plus alors que des silhouettes, de
dos, disparaissant dans l'épaisseur grise d'un
chemin de terre. C'était une heure inconnue.
Le jour et la nuit s'étaient retirés, plus de
lune, plus de marées.
Tout ce qui respire, chante, vibre, tremble, se
désapprenait.
A cette heure de fin du monde tu allais à leur
rencontre, au bout du chemin terreux.
La Trace d'une visite d'Emmanuel Echivard, publié par Cheyne éditeur, est disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 19 euros.
image fr.linkedin
En précipitant la besogne du sens, on peut décréter que ce "tu" est dieu. La figure du père et celle du fils (de la fille ?) apparaissent sans qu'on les distingue vraiment. Il y a dans le chant de ces proses poétiques des accents de parabole.
Mais cherchons plutôt à nous détacher lentement des apparences. Emmanuel Echivard aime effacer les traces dans le corps des mots comme dans le corps des paysages. Car c'est en se perdant que le lecteur, peut-être, puisera en lui le désir de semer des cailloux...
Extraits :
Tu es un vertige, dit-il, le chaos de rochers
que le brume de midi a pris.
Puis l'après-midi a passé. Lui s'occupait des
ronces à arracher. Il t'a oublié.
Mais quand le soir arrivera, il s'étendra sur
le sol pour t'entendre passer.
Etonné, il regarde l'arbre, le chat, le porte-
crayon de bois qu'un enfant a donné. Regards
du monde que rien n'étreint.
Quel murmure se lèvera de ce qui n'a pas de
nom ?
Tu serais dans la brise légère, dit-on.
Il ne voyait plus alors que des silhouettes, de
dos, disparaissant dans l'épaisseur grise d'un
chemin de terre. C'était une heure inconnue.
Le jour et la nuit s'étaient retirés, plus de
lune, plus de marées.
Tout ce qui respire, chante, vibre, tremble, se
désapprenait.
A cette heure de fin du monde tu allais à leur
rencontre, au bout du chemin terreux.
La Trace d'une visite d'Emmanuel Echivard, publié par Cheyne éditeur, est disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 19 euros.
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