(A propos du roman La maison sans issues, huis clos dans une maison à Londres pendant les bombardements de la deuxième guerre mondiale)
Le style auquel Hanley a recours pour enregistrer cette dégringolade hallucinante, est magnifiquement adapté aux exigences que l'auteur lui-même s'est fixé. On sent que l'écrivain n'est pas seulement présent dans la suite en apparence incohérente des événements qui s'accumulent et se chevauchent pêle-mêle, mais qu'il est au plus fort des ruines et du bric-à-brac de l'esprit même. La langue qu'il emploie est celle du désordre à son extrême, de la démoralisation totale, et il s'y tient d'un bout à l'autre, avec une rigidité et une consistance qui rappellent ce cauchemar dont Kafka fit sa demeure. L'humour est sauvage, explosif, tour à tour attendri et loufoque. C'est de l'humour altier, de l'humour de dieux qui roulent sous la table. Le narrateur ne s'accorde pas le moindre commentaire, fût-ce indirect, il a "la touche arctique"- de quoi faire courir un petit frisson glacé du haut en bas de la colonne vertébrale...
Incipit :
Après que le déluge de bruit eût cessé, que le vent fût tombé, le marin s'affaissa. Il était malade. Ils étaient dans un désert d'air.
- "Nom de... ! Sors-moi d'ici," cria le marin.
- "Lève-toi," dit le petit homme ; il se mit à tirer. Des crissements se firent entendre.
- "C'est de la glace," dit le marin. "Sors-moi d'ici." Retombant, ses mains devinrent des tentacules, explorèrent tout autour. "La glace, ça me connaît,"dit-il, "il y a toujours quelque chose de mouvant en dessous de la glace, je m'y connais."
- Du verre, espèce d'idiot," dit le petit homme ; son imperméable bon marché dégouttait, son casque continuait à lui tomber sur le front. "Lève-toi !" Penché, les bras entourant le marin, il tirait, tirait dur.
- " Va au diable," cria-t-il, "quoi, tu es saoûl."
La lune émergea d'une gerbe de lents nuages.
Paru sous le titre original de No Directions et traduit de l'anglais par Jean-Claude Lefaure, la dernière édition en France de ce roman remonte à 1987 chez 10/18. J'en recommande vivement la lecture. Pour le style souvent proche du chaos des situations comme du chaos des corps. Dans la postface, l'universitaire Jean-Pierre Durix compare l'art de James Hanley à celui de Pinter et de Beckett.
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