L'image
d'un bateau sur la mer. Sa découpe aura déposé le bleu
qui a pâli. L'image d'un cheval dans la montagne au bord d’un ravin : une pierre pourrait la défaire. Ces
deux images disjointes et rassemblées dans
ce que j'inventais des paysages avec la tourbe tremblante des berges sous mes pas. Une vieille sorcière, berceuse aux dents vertes, parfois me guettait, que j'aurais pu séduire comme on
séduit les mirages. Rester
dans la place du silence, avec l’indécision du bleu et
la prégnance du vert, les genoux serrés sur le manque, le souffle à
peine ouvert. Je suis pour toujours le petit aux gestes ancrés si mal aux
gestes.
Des
mots passent au large avec les oiseaux et les chats, dans la lumière lente des allées.
Ont-ils
des lèvres que je saurais saisir ? Ce pays que j'ai dû prendre dans ce qui m'a toujours manqué. Impuissance
des gestes moignons. Voix de rouille édentée.
Ce pays dont l'horizon est toujours en fuite, les oiseaux mêmes s'en détournent et aucune
langue pour le retenir. Les mots sont des corps avec leur souffle et leur sang,
leur bile noire. On ne peut pas les entendre
dans la marche sous l'humus qui perle. On demande au poème la permission du
chant, sa mélancolie d'oiseau. On attend que la fatigue ouvre ses portes. Disparaître
dans le mouvement des pas. L'oiseau
comme le brin d'herbe abolissent toute durée.
L'horizon se confond avec ma peau.
Le
poème n'a pas de lieu sûr quand ma silhouette se perd.
J'en
recompose à tâtons l'illusion pour marcher encore, écrire encore, dans la même
langue des repentirs. Je me souviens des chevaux debout la nuit, leurs paupières lourdes
ouvertes au silence de la lune qui allait tomber. La
paille qu’on avait changée murmurait à l’entour des sabots. Une mouche
agonisait dans une toile et les solives en étaient à la peine. Des
frissons couraient sur ma peau, écarquillaient mes yeux.
Mes
mots ne savaient pas désigner les mystères, ne fécondaient rien de mes
solitudes. Je n'imaginais pas l'envol des chevaux ; je manquais aussi de
fatigue.
image pirates-corsaires.com
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