Jean Azarel aime les "lieux transitoires" que sont les hôtels. Minables ou cossus. Au bord des autoroutes ou nichés dans les beaux quartiers. Quand la nuit tombe et quand le jour se lève sur les masques fissurés de l'humanité souffrante. A tel point que la portion de confiture sous plastique devient un réconfort.
Dans Trans' Hôtel Express, l'auteur cherche à oublier son ami Jimbo, guérillero desdichado, et la belle danseuse Estrella dont les yeux mauves ne brilleront plus jamais. Il erre d'hôtel en hôtel sous toutes les latitudes du monde. Il ne s'agit pas de voyages mais de déplacements réels et imaginaires, hantés par des souvenirs réels et imaginaires. " Ma chambre était un bateau", écrit Jean Azarel dans son prologue péréquien.
En toile de fond défile la culture américaine des années soixante-dix et quatre-vingt. La voix de Nico et la mélancolie de Chet Baker traversent le blue velvet d'Isabella Rossellini. Le fils de William Burroughs, médecin, dénonce la beat generation décimée par les drogues dures et mettrait volontiers Lou Reed en prison pour apologie des shoots. Son père, cette "gloire de pacotille", n'échappe pas davantage à l'opprobre.
Sur le devant de la scène, au Lux hôtel où Madeleine agonise comme au Lorraine Motel où Martin Luther King prend le frais, la même désespérance saisit le lecteur. Celle de l'alcool jusqu'au coma, de la drogue jusqu'à l'overdose, du sexe brutal et violent, des adolescentes déjà prostituées, des bagarres au couteau et des flics corrompus, de la saleté du sperme et du vomi, des ordures ménagères abandonnées au fond des arrière-cours.
L'oubli bien sûr est impossible. Comment être un survivant parmi tous les morts qu'on a chéris ? En se prenant, peut-être, pour un oiseau. Celui de Pessoa, "une trace dans le ciel qu'on nous promet par défaut". Et c'est ainsi que naît la [certitude que le réel est imaginaire].
Trans' Hôtel Express de Jean Azarel est publié par les éditions Tarmac. Il coûte 10 €. Accompagné de son CD, il coûte 14,50 €.
Photo de Louise Imagine
Photo de Louise Imagine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire