Avant son visage
Une infinie lenteur monte à mes narines
Quand je regarde les bateaux.
Les échelles de coupée vacillent un peu
Les corps ont moins de portance
Dans l'air qui tremble
Mathilde efface tout sur son passage
Elle appareille vers le grand large
J'imagine qu'elle s'assombrit
Quel rivage pourrait l'attendre encore
Si trop de vieilles passions mais lesquelles
La mémoire aussi a vieilli
Mathilde abandonne ses idées folles
Et s'en retourne petite chose presque
Vers l'oubli qu'elle n'aurait pas dû quitter
Je la suis le long du quai où j'entends des clapots
Sans savoir ce qui de moi disparaît
En elle
*
Emma Constance Nastassia Mathilde
J'en finirai bientôt de marcher
Avec ces visages de passage dans ma mémoire
Ces personnes qui sont des personnages qui sont des personnes qui
Mon corps les porte depuis mes enfances à retardement
Quand j'ai pu jouir enfin d'être naïf
Mais pourquoi me retourner encore
Si la lucidité cloue mes mains
Quel visage de moi ai-je pu composer
Qui ne mente pas
*
Le chemin qui reste
Sa fièvre plus lente et plus profonde
Je devine mieux l'envers de la ville
Des murmures nouveaux chuintent
Dans la gare et sur les quais
D'autres visages m'adviennent avec d'autres romans
Cette beauté-là nerveuse
Saurait tirer sur la foule ou galoper à cru
Si et si dans une tourmente
Je la nomme Pauline et déjà elle s'efface
Une fragile Otoko la remplace
Avec un lac au fond de ses yeux vides
Son amant les a tués
La folie guette encor elle a des griffes
Que le ciel se déchire
Et je n'aurai pas les mots au creux de mon ventre
(Les trois derniers textes de mon recueil inédit Se retourner sur un visage.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire