Il y avait à Lussac une importante activité préhistorique à l'époque magdalénienne (- 16 500 - 14 500). Des vestiges de l'industrie lithique et des os de bovins, d'équidés et d'hyènes en témoignent. Plusieurs grottes à l'entour (grotte de la Marche, grotte des Fadets...) suscitent encore aujourd'hui l'intérêt des spéléologues et des préhistoriens.
Les ruines du château dont ne restent que les piles et le trésor monétaire découvert en 2015 (pièces des XIIIème et XIVème siècles à l'effigie du Prince noir fils du roi d'Angleterre Edouard III) attestent qu'il y eut à Lussac-les-Châteaux bien des remuements au Moyen Age.
Mais venons-en au présent. Lauréat du prix Georges Bonnet 2023 (décerné par Angèle Koster de la société des auteurs du Poitou-Charentes), je me suis rendu à Lussac-les-Châteaux avec ma compagne Brigitte Giraud et Christine Saint-Geours des éditions Aux cailloux des chemins. Nonobstant ma grande fatigue depuis que j'ai contracté une sarcoïdose, quelle joie de découvrir la belle médiathèque de la Sabline au coeur de la ville et de ses livres ! Ouverte au patrimoine local et préhistorique avec un espace muséal au premier étage (classé comme musée de France), La Sabline accueille en son sein la MJC et toutes sortes d'expressions contemporaines (spectacle vivant, expositions : Poétiques de la rouille par Christine Lemaire en 2018, Les machines extraordinaires de Jules Verne en 2019, Influences nippones en 2022 et, en ce moment, Les aventures de Sacré Coeur par Laurent Audoin auteur de bande dessinée). Alors que notre époque bat de l'aile, il est primordial de saluer le travail obstiné de cette médiathèque conduite par Angélique Dalbin-Ferrari et de toutes les autres, au jour le jour porté par des projets culturels qui rappellent qu'il y a plus à admirer chez l'homme qu'à mépriser, comme le répétait Camus. Notons également le rôle majeur des équipes municipales (ici celle de Jean-Luc Madej) dans l'accompagnement de ces structures qui constituent une exception française.
Outre la remise du prix et de son trophée réalisé par le peintre- verrier Sébastien Trouvé, deux joies se sont offertes à nous. Une jeune fille de douze ans a musardé quelques instants autour de la table des éditions Aux cailloux des chemins puis, se décidant enfin, a sorti de son sac le carnet où elle consigne à la main les poèmes qu'elle écrit. "Euh ! c'est un peu noir, a-t-elle murmuré." Je lui ai répondu qu'on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments comme dans l'actuel et pitoyable courant feel good. De fait, ses textes ne sont pas gais. Elle compare sa "chambre noire" à un "abattoir". Brigitte Giraud et Christine Saint-Geours ont joint leurs voix à la mienne pour l'encourager à continuer et le recueil Please de Derek Munn lui a été offert. Personne ne peut prédire ce qu'il adviendra de cette jeune fille au plan littéraire mais qu'il est doux d'imaginer que et que...
La deuxième joie fut la venue, en voisins amicaux, de Pierre Rosin et d'Yvette Cremonese avec leur amie Laurence Charron, guitariste classique. Cette sensation renouvelée d'être simplement bien avec eux (depuis Sète et Poitiers en 2021) et pas seulement parce qu'ils écrivent, dessinent et peignent, sculptent, jouent de la musique. Et nous eûmes le plaisir de déguster quelque vin de bon aloi servi par monsieur le maire en personne. Que serait le plaisir de la langue sans le plaisir de la bouche ?
Le soir, après une visite à l'étang baignant dans les ombres perlées d'avril, nous avons dîné au restaurant Les Orangeries qui est aussi un hôtel de charme classé parmi les meilleurs en Europe. Leur devise est : "Nous explorons un art de vivre humaniste, riche de son passé et gourmand de son présent tout en étant acteur d'un futur désirable." Cet art s'est retrouvé dans nos assiettes avec d'exquises noix de Saint-Jacques accompagnées de légumes oubliés fort délicats.
Le lendemain matin, nous en revenant à Bordeaux par la nationale 10, nous sommes passés près de Mansle puis au large de Ruelle où j'ai quelques souvenirs de l'enfance et de plus tard. Et j'ai de nouveau évoqué Pierre Boujut qui lut mes premiers poèmes quand j'avais 14 ans. Sur mon carnet bleu... J'aime ces menues répétitions de la petite histoire. Comment elles nous font et défont, puis refont, dans le mouvement fragile des banalités.
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