lundi 10 mars 2025

Nathalie Man et Victor Simoneau, Nous serons infatigables


Nous serons infatigables
est un poème de Nathalie Man gravé sur une mosaïque de Victor Simoneau. Cette coconstruction à voir et à lire témoigne de l'humain inachevé, dont les libertés sont sans cesse à remettre sur l'établi de la volonté. Et particulièrement celles des femmes qui, en 2025, voient leurs droits de plus en plus menacés. Viols et féminicides continuent d'empoisonner la chronique des faits divers et concernent toutes les positions sociales. Ces drames, ne l'oublions jamais, sont la conséquence de violences multiples et répétées, dans la sphère professionnelle comme dans la sphère privée. Dans le même temps, un masculinisme décomplexé ressurgit, avec ce genre de provocation : "Vos corps nous appartiennent !" Les replis identitaires nourris par des radicalités politiques et religieuses remettent en cause l'avortement, les orientations sexuelles, et la libre disposition des visages... Ces offenses aux femmes dans toutes les dimensions du réel (concret, symbolique, imaginaire), sous le joug du désir de possession et de la volonté de puissance, entravent aussi bien les hommes enchaînés à la pensée réductionniste.

Le poème-manifeste de Nathalie Man illustre cette double articulation. Le "nous" y est conjonctif. Les apostilles aux couleurs de l'arc-en-ciel LGBT lient le féminin et le masculin dans la légitimité des droits. La nécessité de déconstruire les modèles archaïques pour reconstruire les modèles conquis de haute lutte du plaisir et du consentement est l'affaire de tous. Rien n'est jamais achevé dans l'histoire humaine et c'est  cet inachèvement qui en féconde l'historicité. 

La mosaïque de Victor Simoneau n'est pas que le support du poème. Sa géographie exprime le mouvement de ce qui se défait à ce qui se refait, sans cesse à "recommencer". L'artiste est ici un œuvrier sous l'emprise de l'émail qui maille, dans la patience du geste et tout un continent apparaît. Ses contours évoquent aussi bien l'Amérique du Sud que l'Afrique avec son île en contrepoint. On peut aussi le nommer "loyauté", "confiance", "égalité". Pour que l'espoir luise davantage qu'un brin de paille.

Notons enfin la signature de l'auteure, seulement ses initiales : NM. Chacun peut y reconnaître l'universelle condition humaine et s'approprier les fragments du poème. Quant à Victor Simoneau, fidèle à la tradition millénaire des mosaïstes, il se considère comme un artisan-assembleur et ne signe pas. Dans un siècle ou deux, lors d'une restauration de son travail, quelqu'un, peut-être, découvrira son nom blotti entre deux tesselles, tremblant, forcément tremblant. Espérons que d'ici là, le vaste chantier des droits des femmes unis à ceux des hommes aura gagné de nouveaux espaces.

Nous serons infatigables de Nathalie Man et Victor Simoneau est visible sur un mur de la mairie de quartier à Bacalan (Bordeaux). L'œuvre a été inaugurée par Pierre Hurmic maire de la ville, en présence de Vincent Maurin maire-adjoint de Bordeaux-Maritime et initiateur de ce projet humaniste.  La slameuse Khadija Jakhadi et la chorale des Gardiennes de la Terre ont également ému le public. 

Nathalie Man, arpenteuse de la poésie en toutes latitudes, a notamment publié Le journal d'Elvire (1852-2017) suivi de Histoire d'une femme du XXIe aux éditions Le Bord de l'Eau en 2019 et Les hommes sont absents chez Lanskine en 2023.

2 commentaires:

  1. j'aime beaucoup ce qu'écrit Dominique Boudou ! Si tu as l'occasion cher Dominique, merci de prendre une photo de l'oeuvre entière exposée à Bacalan...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ma photo est l'oeuvre entière, avec un petit coin de ciel en plus.

      Supprimer