Le flottement est le phénomène physique de la portance des éléments. L'avion comme le bateau flottent. De même le vol du ramier sous l'azur et le brin de paille au fil du ru murmurant. Et c'est ainsi que le flottement a des entretiens métaphysiques. La réalité, en ses flux tantôt liquides et tantôt solides, flotte ou coule. Et l'humain, si fragile, s'arrange comme il peut de l'insaisissable. Dans les espaces et dans les durées.
Tentatives de flottement d'Olivier Souillard s'essaie à "l'impossible équilibre" pour "naviguer... à mi-distance d'un voyage du cœur jusqu'à la tête... quelque part où le partage se diffuse lentement". Mais il y a la mort et la souffrance qui ronge le survivant. Elle s'accommode si mal du "flou de l'éphémère". L'être se dissout dans des contours sans substance au point de ne se trouver dans aucun lieu et l'altérité devient un mirage. Comment dès lors apprivoiser les énigmes de vivre ? Dans quelle lenteur où les mots feraient trace ? Le corps de la langue ne va pas mieux que le corps de la chair. "Sentir cette phrase perdue / éparpillée dans ma bouche / dans une langue que je ne reconnais plus", écrit Olivier Souillard. Le poète, comme Artaud, ne s'appartient que par éclaircies entre les spectres de la maladie et quelques éclats de joie. Peut-être pratique-t-il l'écoute flottante de soi. On la dit poreuse au va-et-vient des sons et des sens, entre deux eaux, entre deux airs, pour [chercher ce qui apaise] et "rendre familier le visage des regrets".
Ce visage-là, déjà présent sur la page blanche où les mots attendent quelque dévoilement "jusqu'au point de rencontre" des solitudes. Mais il y a toujours plusieurs points, éparpillés dans l'intime qui dérive. L'écriture du manque épuise à vouloir les relier la possibilité d'espaces sécures d'où une vérité pourrait émerger. Cependant, parfois, "ici et là / les passerelles sauvent". On ne sait jamais de quelles profondeurs ou de quelles hauteurs elles prennent leur élan. Elles sont physiques et métaphysiques dans le même mouvement de l'incertain. Elles réparent un peu quelque chose du maillage de vivre. Sous la forme par exemple de "maisons sans barrières où tout était ouvert" et les visages sont des paysages parmi les retouches des souvenirs. "Une passante apparaît sous un lampadaire éteint... On s'embrasse à la volée au-dessus de l'eau noire". L'amour n'est pas mort. Il a de "l'existence à venir"... Bientôt, "une étincelle dans le ciel", qui flotte.
Extraits :
Lent
je veux l'être
Pour voir
tout ce qui m'entoure
et tout ce qui m'enlace
*
Une chanson
raconte mon existence
Je l'attrape
me mélange à elle
fusionne les apparitions et les disparitions
les fantômes sont là,
sur le sommet de mon épaule
Au bord de moi,
de nous
*
On peut se réfugier
dans le silence du bruit
Écouter ce brouhaha rassurant
ce repère à l'intérieur des choses
qu'on connaît
Toucher
ce son enveloppant
Sentir ce qui nous maintient
à la surface
*
Ce paysage d'air lointain
enveloppe l'instant
Ma bouche se suspend au vert
mes yeux se fixent dans le décor
Le flottement est mon compagnon
face à l'oubli
Tentatives de flottement d'Olivier Souillard est un livre dont la portée universelle résonne en chacun de nous. Il rappelle l'ignorance fondamentale de l'humain et la nécessité de la lenteur pour tisser des liens qui soignent. Il est publié aux éditions Tarmac et compte 76 pages. Il coûte 15 €.
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