La réalité de notre temps
[déraisonnable où l'on remettra bientôt les morts à table ], hachée menu,
passée au rotor à désosser l'humain, s'exprime dans Marasme par les
perceptions au laser de "l'iris".
Béatrice Mauri la découpe en blocs
inégaux, impossibles à jointoyer, car " le sens n'a pas encore tiré la
chasse". Avec une langue prise dans la tourmente, " à la hurle
", qui brouille toutes les lignes à commencer par celle de l'horizon
chaviré.
Une lecture attentive de Marasme,
tantôt accélérée tantôt ralentie pour se pénétrer du vacarme des sons déchirés,
nous donne à entrevoir une critique singulière de la servitude involontaire du
quotidien. " Ici les limaces laissent leurs baves en signe de désespérance
", écrit Béatrice Mauri. On pense à Bacon, le peintre, qui s'émouvait des
traces déposées au passage des escargots et qu'il comparait au cheminement
pauvre des hommes. On pense aux premiers romans de François Bon dont la langue
courait jusqu'à l'inaudible pour rattraper [l'incurable retard des mots ]. On
imagine, puisque Béatrice Mauri évoque son appartenance au courant de la poésie
sonore, des déchaînements de guitares électriques à la recherche de notes
jamais entendues, eux-mêmes dépecés par l'absurde cacophonie d'ustensiles sous
Prozac ou Lexomil. Dans l'espoir, qui sait, de "gagner du terrain sur la
mascarade".
"cendre de clopes laissées sur le bord de
la station ramassées par le balayage d'une jeune femme pliée sous la poubelle
qui s'excuse entre les pas pressés de ceux qui encochent son temps d'entraves
lignes invisibles qui crachent des ordures près du balai sans la voir montant
dans le tram damnés d'eux-mêmes en dégorge ruminante de sons râleurs qui
ruminent l'absence oui ce bout de scotch sous le pied qu'ils ne pensent même
pas à décoller pour revoir la nuit des autres autour à l'arrêt "
Salué par Antoine Emaz, Marasme
de Béatrice Mauri est une publication des éditions de la Crypte. (voir sur
www.editionsdelacrypte.fr)
Dans une veine assez semblable,
l'auteur a également publié Mortier aux éditions Tarabuste en 2010
(revue Triages).
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