Rééducation cardiaque oblige, je m'efforce à la marche jusqu'aux Bassins à flot. Je compte les grues des chantiers à ciel ouvert. Dix, vingt, parfois davantage. Je longe les palissades. Elles annoncent une surveillance électronique par un logo qui ressemble plus à un revolver qu'à une caméra. Je lis, à l'encre jaune sur fond rouge, que "le pire est à construire". Je souris. Et s'il y avait du vrai dans cette phrase ramassée comme un poing ! Plusieurs centaines d'appartements sont proposés à la vente ou à la location dans le secteur des Bassins. La Cité des civilisations du vin à Bordeaux laisse déjà miroiter son profil dans les eaux de la Garonne. Le musée de la Marine a déjà posé ou posera bientôt sa première pierre du côté de la Base sous-marine. Mutation, mutations. Le béton éradique les friches. Un paysage s'évanouit ? Un autre aussitôt sort de l'ombre. Je me trouve dans une fascination proche de la stupeur. Je pense à l'injonction biblique : " Croissez et multipliez ! ". Je me dis que le pari du développement est risqué. Qui seront ces milliers d'habitants supplémentaires à Bacalan ? Viendront-ils, seulement ? Et s'ils ne venaient pas ? Et si on les attendait longtemps, fiévreusement, en fixant une ligne d'horizon peuplée de mirages ? Dans quelle folie se trouverait le quartier, miné par cette attente ? Comment nous ravirait-elle à nous-mêmes, petits marcheurs que nous sommes, dans les pas incertains des jours ?
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