Ortigosa del Monte,
un pueblo espan͂ol
Un
village de cinq cents âmes au flanc de la sierra Guadarrama, à un quart d'heure
de Segovia, veillé par La femme morte sur les créneaux de la montagne.
Des buses accompagnent les planeurs lancés depuis el Parque nacional. Des
chevaux de bocages contemplent les immenses étendues des coquelicots, amapolas dans
la langue de Cervantes. Des cigognes nichent sur les pylônes et le clocher de
l'église.
Les
couleurs à Ortigosa, dans les grandes saignées de la terre et sur les façades,
oscillent entre le jaune serin et le rouge brique en passant par toute une
palette d'ocres plus ou moins profonds. Ne doutons pas que les corbeaux (cuervos)
et les pies (urracas) des chênes verts y soient sensibles quand le ciel de juin
hésite entre blanc laiteux et bleu tropical. Un décor pour les peintres de
plein air ; Van Gogh aurait aimé.
Contrairement
à bien des villages français de cette dimension, Ortigosa n'est pas un lieu
abandonné. On y trouve deux restaurants, trois bistrots, une épicerie, une
pharmacie et même, à la Venta vieja, une boucherie dont la viande de bœuf est
goûteuse. La présence d'une école sur la place de la mairie (ayuntamiento) et
plus loin d'un collège de secteur fournit quotidiennement son lot de
criailleries rigolardes. Un ensemble de terrains de sport, foot, tennis,
pelote, basket (baloncesto) réunit en fin de semaine tous les férus de la sueur
venus des environs. Et la culture a aussi son foyer. Au programme de ces
derniers jours une pièce de théâtre de boulevard, Pareja de tres,
que je traduis par Ménage à trois.
Mais
la vie à Ortigosa porte aussi les stigmates de la crise immobilière qui a si
sévèrement touché l'Espagne. De nombreuses maisons sont à vendre : ruines,
anciennes demeures paysannes rénovées, grosses villas construites par des
madrilènes au temps de la Movida, lotissements périurbains contemporains... Et
le chômage (paro) ne baisse pas, ou si peu. Des réseaux de petites solidarités
parviennent à s'organiser. On se serre les coudes, quoi ! Tout au moins, on
essaie.
Il
y aurait encore beaucoup à dire sur les topographies de cette bourgade si
j'avais les connaissances et les talents d'un Elisée Reclus. Une énumération de
quelques toponymes (calle de la fuente, calle de las fraguas, calle cercado del
cristo, calle real...) apprêterait tout pareil le lecteur au voyage. Le mieux
est encore d'y venir. Pour visiter les champs cernés par les bleuets et dire
bonjour aux ânes blancs. Pour souhaiter à La femme morte une belle
éternité en son fief de nuages. Pour déguster des judiones qui sont de gros
haricots plats et de l'agneau rôti au vinaigre.
Et puis et puis, Ségovie si proche avec son Alcázar et ses tranquillités
procure bien des enchantements. Enfin, en un peu plus d'une heure par
l'autoroute, le centre de Madrid ouvre ses rues aux flâneurs. Mais c'est une
autre histoire. Un autre voyage. Une autre rêverie.
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