Jean-Baptiste Pedini possède au plus haut point (et contrepoint)
l'art de la demi-teinte. Dans la perception des couleurs comme dans celle des
choses qu'elles voilent et dévoilent. Pour dire la fugacité et l'incertitude
des émotions, des sentiments...
On retrouve dans Le ciel déposé là, quatrième ouvrage de
l'auteur, toute la fragilité de Passant l'été qui obtint en 2012 le Prix
de la Vocation (Cheyne éditeur).
Le matin vient lentement après l'aube et l'aurore et tamise les
mots mêmes, mezza voce. L'enfance apparaît sous [l'horizon tordu]. Il lui
arrive d'étouffer dans la gangue de l'ennui. Elle se retire et c'est tant mieux
quand "le lave-linge tourne avec du calcaire plein le ventre". Le
jour s'étire avec ses menues joies et ses menus tumultes. Peuplé d'hirondelles
et d'étourneaux, de mouettes, de rapaces. Une abeille qui tombe fait reculer la
lumière. Solitude à regarder au fond des yeux. Puis vient le soir qui brouille
les contours du paysage de la côte et de l'océan. "La luminosité s'écrase
tout au fond de sa niche, déjà prête à ronger le jour." Des peurs
surgissent, signées par des frissons. Une étrange étrangeté confine à la
mélancolie. Le ciel ne tient plus bien dans le ciel. Son nom même a-t-il encore
quelque raison d'être ? Autant renoncer ! Rien ne tient et surtout pas la lumière.
Demain sera un autre jour, qu'il faudra travailler ou [vider cul sec].
La poésie de Jean-Baptiste Pedini, 32 ans, est d'une exceptionnelle
maturité. Aucun mot ne manque. Aucun mot n'est en trop. La note comme le rythme
sont toujours justes. Le singulier s'y conjugue avec une grande maîtrise à
l'universel. A mes yeux, et quitte à emplir l'auteur de confusion, je considère
Jean-Baptiste Pedini comme une voix majeure de notre temps. D'autres recueils
naîtront, lentement mûris (voilà un poète qui ne confond pas publication de
livres et multiplication de petits pains), et les lecteurs, que j'espère de
plus en plus nombreux, connaîtront d'autres saisissements, d'autres
ravissements.
Le ciel déposé là est
publié par les éditions L'arrière-Pays et coûte neuf euros. Un éditeur qui fait
de la belle ouvrage et a ouvert son catalogue aux regrettés Thierry Metz et
Jean-Claude Pirotte.
Enfin, et qu'importe si je passe pour un de-quoi-je-me-mêle, je
suggère à l'excellente revue Voleur de feu de consacrer un numéro à ce poète
rare. Des images de Jérôme Pergolesi ou de Sophie Brassart feraient avec sa
poésie un merveilleux compagnonnage. Que ces plasticiens me pardonnent de ne pas leur avoir demandé la permission de publier leurs oeuvres !
Première photo : copyright Jérôme Pergolesi 2016
Deuxième photo : copyright Sophie Brassart
Première photo : copyright Jérôme Pergolesi 2016
Deuxième photo : copyright Sophie Brassart
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