Je m'appelle Sati, comme le musicien mais sans le e, et j'ai sept mois. Mes compagnons humains, qui ont le goût des sobriquets, m'appellent souvent Satiné. Sati, Satiné, ils auraient pu trouver mieux comme jeu de mots. Je préfère de loin quand ils me nomment Chaussettes blanches et barbe noire.
C'est un éloge à ma beauté. La répartition du blanc et du noir sur ma fourrure, presque géométrique, plaît beaucoup aux amis de mes compagnons humains. L'un d'eux, enfin l'une d'elle, m'a même offert un hérisson que j'adore promener d'un canapé à l'autre. Mes deux concurrents dans le jardin sont en revanche jaloux de ma prestance. Ils me cherchent noise parfois et je suis obligé de les chasser. Mes compagnons les appellent Le blanc et le Gris. Sans les affubler de noms fantaisistes. J'en déduis que les sobriquets sont un témoignage d'amour. Ainsi, selon les situations de la vie ordinaire, me voilà Peigneur de tête, Pétrisseur de manchon, Roi des griffougnettes et même Rouleur de tomates.
Ah ! Rouler des tomates ! Si vous saviez le plaisir que c'est ! Je roule aussi des pommes à l'occasion mais ce n'est pas comparable. La peau de la tomate est tellement plus sensuelle que celle de la pomme. A cause de la densité de la chair, légère et juteuse. D'ailleurs, j'ai plusieurs cachettes dans la maison et, dans chacune d'elles, j'ai au moins une tomate. Parmi d'autres objets qui me sont précieux. Des stylos, des morceaux de ficelle, des trombones et des petites fioles en plastique à capuchon jaune ou bleu. Mes compagnons humains n'aiment pas trop quand un stylo disparaît et deviennent carrément nerveux si c'est une fiole. Il y a dedans un liquide dont ils raffolent. Ils le versent dans une espèce de tube à bec et quand ils tirent dessus ça fait de la fumée. Drôle d'idée tout de même ! Les humains n'en finissent pas de me surprendre. Je me sens bien en leur compagnie tout en restant sur mes gardes. Par exemple, je déteste quand ils me forcent à entrer dans une cage pour me transporter en voiture. La cage sent mauvais et la voiture c'est pire. Mes compagnons ont si peu d'odorat qu'ils ne se rendent compte de rien. De toute façon, je crois qu'ils ne se rendent pas compte de grand-chose. Dans la grande communauté du vivant ils sont de toute évidence les moins sages. Je le vérifie tous les soirs en regardant la télévision. Je ne désespère pas, cependant, de les rendre meilleurs. Un vaste chantier que j'estime à ma portée. Je suis tellement plus intelligent. Bon. C'est tout pour aujourd'hui. Je vais m'amuser avec une tomate et réfléchir à des sobriquets, pour travestir les trotte-menu des bêtises humaines.
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