mardi 22 août 2017

André de Richaud, poète d'aujourd'hui

Résultat de recherche d'images pour "andré de richaud"Un jour de cet été, à table autour des mots et des vins, quelqu'un me dit le nom d'André de Richaud. Je pousse un "oh !" de surprise. Et nous parlons de l'auteur de La douleur. Je lui confie mon émotion à la lecture de ce roman, il y a plus de quarante ans... De retour à la maison, je retrouve le Poètes d'aujourd'hui que Marc Alyn a consacré en 1966 à André de Richaud, dans la célèbre collection de Pierre Seghers. 

Extraits :

Les ruisseaux de la mort ont couru sur mes rives
les pierres du soleil ont écrasé mes plaies
les lames du sommeil ont fouillé le feuilletage de ma tempe
et moi je vais tout nu dans le ciel dépeuplé.

*
Collines entraînées par ma voix
arbres récalcitrants aux limites du monde
terres de terre rouge et les montagnes gonflées
d'une vaste peur éperdue
La neige enchantée s'en va et retourne
vers les étoiles de la fièvre
plus pathétique qu'un port démoli de mâtures
et les sanglants rochers
crevés d'os de porphyre
retourneront légers
à travers ton sourire.
Résultat de recherche d'images pour "andré de richaud"
*
Nous boirons sur le seuil d'une auberge lointaine
un clair alcool au fond d'un gobelet rouillé
des barques reviendront de pêches forcément lointaines
dans l'odeur des algues et des varechs mouillés.

Naïfs adorateurs de la rose des vents
des matelots qui ont le cou bien passé au rasoir
demanderont la permission de s'asseoir
sur le bout du banc
Un maquereau aux yeux verts
me demandera si je veux te vendre pour Buenos-Aires
Ce n'est pas l'envie qui m'en manquerait, mais ton père
n'aime guère que ses filles aillent de travers.
Des huîtres, des oursins plus les pâles citrons
nous les mangerons sous l'oeil paterne du patron
qui lancera pour nous, à la mode, nostalgique
le grand orage à tonnerres du piano mécanique.
Le pissoir, non loin, au soleil de feu,
évapore son odeur ammoniacale qui pique les yeux. 
Le soleil, brave chien, te lèche les bras
tout penaud de ne pouvoir aller plus bas
Les petites putes s'en vont au bras des matelots
et l'âme ravie
car
Si les pierres ont des silences
où les siècles peuvent se confesser
une plus sensible cadence
s'entend dans le coeur du laurier.
*
Autrefois j'aurais voulu être le dernier oiseau du dernier platane
La première lueur du matin sur l'aile d'un olivier
L'orange de midi, bien pendue sur ses feuillages de parfum
Et ce nuage qui joue autour du phare
J'aurais voulu être une phrase coupée au raz d'un poème
Découvert par une jeune fille aux cils de pavot
Au bord d'un grenier de Provence
Mais maintenant
Mon dernier désir est que mon souvenir brûle
Les pierres où il est gravé
Ici et là au petit vol de mes voyages
Les sables de la mer n'ont pas besoin de dictionnaire
Toutes les feuilles meurent en automne
Rien n'est qu'un feu mort au fond d'un ruisseau sec

Que mon visage s'écrase en vous
Ombre de ma jeunesse
Et qu'il ne reste rien de ce fer rouge

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