jeudi 8 mai 2025

Poésie volcanique au collège Montaigne à Lormont

Mardi 6 mai, 9h45. Collège Montaigne à Lormont en Gironde. Je parle avec un surveillant qui me demande ce que je viens faire avec les élèves de Patrick Modolo. À 9h50, une sonnerie assourdit nos paroles. De la musique, probablement américaine, choisie par les collégiens. Un groupe d'adolescents entre dans le local de la vie scolaire. Certains sont plus grands que moi. Beaucoup sont habillés en noir. La mode est au noir, comme l'époque. Puis je vais dans la salle des profs. J'y devine une joie calme. Une professeure également pâtissière m'offre un macaron dont le moelleux s'attarde sur les papilles.  Puis Patrick Modolo arrive avec son compère Laurent Gourd, professeur de mathématiques. Les deux ont travaillé ensemble en 2023, liant poésie et le nombre π, ce veilleur d'harmonie entre lignes et mots. Nous papotons.  

Puis c'est 10h. Les sixièmes de Patrick Modolo sont calmes et souriants. Ils me posent leurs questions longuement méditées. À quel âge avez-vous commencé à écrire ? Pourquoi écrivez-vous ? Vous servez-vous de votre vécu ou de votre imagination ? Quels conseils donneriez-vous à un jeune poète ? J'en profite pour promouvoir la lecture et dénigrer les téléphones. Je fais l'éloge de la lenteur, de l'ennui, de l'étonnement qu'ils procurent et qu'on féconde. 

Patrick Modolo et ses élèves ont sillonné les arpents de la poésie volcanique. Avec cette idée réjouissante. "Pendant les cours, vous pouvez m'interrompre en disant, fort ma non troppo, : "ÉRUPTION POÉTIQUE". Puis vous lisez le poème que vous avez écrit à la maison."


Il y a eu 3 ou 4 éruptions pendant les deux heures que j'ai passées avec la classe. Dans un tel climat de sérénité et d'humour, (Patrick Modolo est membre de l'académie Alphonse-Allais), les mots rimaillent allègrement des sommets de la montagne jusqu'aux pointes du cœur. Personnifier le volcan ouvre la porte aux émotions tues, aux sentiments furtifs, piquetés çà et là d'onomatopées

bouillonnantes. 

Le temps s'écoule en un battement de paupières. Une élève me parle du syndrome de la page blanche ; elle a retenu l'expression de son professeur. Je lui dis que ça n'existe pas. Ni page blanche ni toile blanche (en pensant aux écrits sur l'art de Deleuze). L'une et l'autre sont déjà pleines du désir d'écrire ou de peindre. Du désir de déposer sur cette étendue offerte ce qu'on a de flou dans la tête et le corps. Je parle aussi du geste de la main, avec un stylo comme avec un pinceau. Cette prescience de l'être engagé dans la langue. Je dis tout ça avec les mots les plus simples et l'enfant en garde quelque chose, je le vois sur son visage.

Après cinq minutes consacrées à la lecture de quelques-uns des textes nouveau-nés, midi sonne. Une autre élève, récemment arrivée du Brésil et maniant déjà le français, m'offre un marque-page qu'elle a joliment dessiné. Le volcan est apaisé. L'arbre berce une palme verlainienne. Le soleil brille sur les jardins et les tours de Lormont. Ces élèves ont de la chance. Bientôt, ils vont rencontrer Christine Saint-Geours des éditions Aux cailloux des chemins et Marina Mico-Lecaudey de la librairie du Contretemps à Bègles. De la main de l'auteur qui écrit à la main du libraire qui tend le livre de poésie à son acheteur, voilà toute une chaîne par vaux et par monts, et il y a même des cailloux.

L'espoir luit.

première image : le marque-page

images 2 et 3 :  éruptions poétiques

1 commentaire:

  1. J'ai animé un atelier dans ce collège, avec une classe de troisième, il y a une douzaine d'années. C'est un bon souvenir.

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