samedi 31 décembre 2011

Paysages revus dans Bordeaux #2

place Saint-Christoly, 1
 
La ligne B s'arrête juste à côté, rue Vital-Carles. Un passage, dont l'angle est un théâtre, y conduit. Je suis surpris par la hauteur des arbres qui coiffent la place. Des platanes. Comme dans un bourg provençal mais sans fontaine. Un café a posé là sa terrasse. Il a, sans doute, quelques habitués, des caricatures d'habitués fondues à la longue dans le passe-partout du décor. Il a, surtout, un Chardonnay blanc servi assez largement. Je le bois avec toute la patience dont je suis capable et je regarde les gens, comment ils viennent, comment ils sont droits dans leur corps ou tassés sur leur sac d'os. Je guette une fenêtre, encore une, au bois vermoulu qui tient mal des vitres qu'il faudrait laver. Une femme parfois s'y penche et fume. Ce n'est pas qu'elle soit jolie mais sa fragilité au bord du vide m'émeut. Elle a des gestes désordonnés pour chasser la fumée loin dehors qui me font sourire. Elle ne s'attarde jamais. La fenêtre en se refermant produit comme une espèce de dérapage. J'imagine, à cause de lui, un glissement dans le temps que le porche en face de moi favorise. Pierre noire. Petite allée de pavés avec son treillis d'herbes sèches. Et, au bout, un bâtiment rescapé du dix-septième siècle dont je ne vois que la porte ouvragée. Je pourrais le peupler de fantômes portant l'épée et parlant bas. Mais un minibus électrique tourne au coin. Aucun voyageur. Une autre manière de fantôme, ou un jouet, livré à lui-même jusqu'à l'épuisement de son énergie. Je souris encore. Le paysage est assez incertain pour que je m'y reconnaisse. J'appelle le serveur, un trentenaire au catogan serré, et je lui demande la même chose. La cérémonie du Chardonnay luit plus fort quand le soir tombe.

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