dimanche 24 septembre 2023

Sylvain Prudhomme, L'enfant dans le taxi

L'enfant dans le taxi de Sylvain Prudhomme évoque la quête de Simon qui part sur les traces d'un certain M. né en 1946 près du lac de Constance.  La tâche est d'autant plus ardue qu'elle relève d'un secret de famille, sans cesse tricoté, détricoté, retricoté, comme le fil d'une bobine qui craque dans la boîte noire des fantasmes. Et du silence.

Pendant l'après-guerre en Allemagne,  400 000 enfants sont conçus par les soldats alliés des forces d'occupation. Malusci, grand-père de Simon et récemment décédé, est hébergé dans la ferme de Liselotte. Ou ailleurs. Mais il faut bien imaginer un décor pour donner une consistance au personnage et inventer la scène inaugurale qui aboutira à la naissance de M. Simon demande à sa grand-mère Imma de lui fournir quelques éléments et, aussitôt, la presque centenaire qui joue encore merveilleusement Ravel et Debussy au piano, si fragile, si douce, si affectueuse, se cabre :

"Je t'interdis d'aller le voir tu m'entends. Je ne veux plus qu'on salisse la vie de mon mari tu m'entends. Si tu t'obstines je te bannis Simon c'est compris. Je te bannis tu m'entends." 

De telles paroles suffoquées résonnent comme "une sorte de voix immémoriale, la voix du clan, la voix de la famille, la voix de notre famille à supposer que quelque chose de tel ait jamais existé, avec ce que cela signifiait d'unité, de cohésion, d'entente tant bien que mal maintenue malgré les heurts".

Sidéré par la violence d'Imma, Simon se tourne vers sa mère et c'est encore un refus catégorique. Elle ne veut rien savoir de ce M. qui est pourtant son frère. Il faut voir ailleurs. Il y a toujours, dans les familles, quelqu'un qui en sait plus long que les autres. Grâce à des renseignements fournis par Franz ou l'oncle Louis et avec l'aide d'Internet, Simon progresse enfin, procède à des reconstitutions dignes d'un détective.  Le 5 décembre 1944, Malusci se trouvait "sur les pentes des Vosges, immobilisé en contrebas du col du Hundsruck, forcé d'essuyer...une des pires contre-offensives allemandes depuis des mois".

Et. L'Allemagne n'est pas si loin en voiture. Les enfants de Simon sont ravis de participer à l'aventure. Un cygne glisse lentement sur le lac où Malusci et l'Allemande se sont promenés. Mais les ricochets sur l'eau font des faux bonds comme la mémoire en fait, sans qu'on s'en aperçoive. Il y a erreur sur la personne. Toute l'enquête est à reprendre. Simon, heureusement, est tenace. Il y aura d'autres révélations et le lecteur sera ému. Forcément ému.

L'enfant dans le taxi de Sylvain Prudhomme nous séduit également par la touchante simplicité de son narrateur.  Le couple qu'il formait avec Anne vient de se séparer d'un commun accord. Reste la tendresse qui panse un peu la blessure. Les mains se touchent encore, se caressent. Et Simon est un bon père. Quand il a la garde des enfants, il joue au poker avec eux, avec des allumettes et des crayons de couleur, un crayon valant dix allumettes. Un soir de Noël, la famille se réunit autour d'un sapin et Simon se moque de lui-même : "j'avais toujours cru malin de haïr les sapins, mais cet hiver-là je les ai vus ravis de décorer le petit arbre, j'ai senti qu'ils étaient fiers, qu'ils le trouvaient beau". Un père idéal en somme. Ce que n'a pas été Malusci. Et pourtant, une fois,  au coeur de la nuit, devant la maison éclairée par les phares d'une berline allemande, une occasion s'est présentée à lui, qu'il n'a pas su ou pu saisir. Mystère absolu de l'humain en ses replis les plus enfouis. Et c'est lui qui tient Simon tout au long du livre, avec ces questions qu'on se pose d'autant plus qu'on les devine sans réponses : "Obligé de me le demander pour de bon à la fin. Pourquoi je veux remuer tout ça c'est vrai. Pourquoi je veux tellement rencontrer ce M. Qu'ai-je l'impression qu'il me dira."

Extrait :

Naître  bâtard c'était gagner du temps, mûrir à vitesse accélérée, apprendre à composer dès les premiers pas avec le boitement inévitable de la vie. C'était grandir plus courageux, plus honnête avec soi-même et avec la vie, tout simplement plus vrai. N'était-ce pas ce que l'on disait des chiens bâtards : qu'ils étaient beaucoup plus intelligents que tous les chiens de race. Que pour eux la débrouille était question de survie.

Je me suis demandé ce qui expliquait que je sois du côté de M. Ce qui pouvait bien faire que depuis le début je me sente son complice. Je me suis vu dans ma solitude nouvelle, face au vertige de n'avoir plus personne à qui m'adosser, attiré par cet esseulé majuscule, ce délaissé qui avait connu l'abandon le vrai. Je me suis demandé quelle vérité j'espérais qu'il me dise. J'ai songé à mon métier d'écrire. J'ai pensé que comme M je faisais partie des êtres qui avaient un problème avec le monde, n'arrivaient pas à s'en contenter tel quel, devaient pour se le rendre habitable le triturer, le rêver autre. J'ai pensé que j'étais le frère de M. dans l'ordre des condamnés au remodelage, à la fiction. Son frère dans l'ordre des intranquilles, des insatiables, des boiteux.

Le lecteur sera également sensible au style du roman où de longs flux parfois non ponctués, avec des retours à la ligne qu'on imagine comme des brisures, se maillent à  des observations infra-ordinaires, notamment en ce qui concerne la vie des enfants et leur lexique ultra-contemporain. "Wesh l'angoisse a dit Tom."

L'enfant dans le taxi de Sylvain Prudhomme est publié aux éditions de Minuit. Il coûte 20 €.

 

mercredi 20 septembre 2023

Laurent Margantin, Le chenil

L'histoire avec sa grande Hache n'en finira jamais de démontrer que la capacité de l'homme à se soumettre à n'importe quelle autorité est infinie et que son obéissance peut devenir une jouissance. Y compris dans ses rêves les plus noirs.

Sylvain Dammertal vit seul avec sa mère qui le persécute depuis l'enfance. Il n'a pas connu son père, parti un jour sans rien dire dans les profondeurs de la forêt où il était bûcheron.

Les violences infligées au fils traversent le roman de Laurent Margantin et particulièrement la première partie intitulée La mère. Celle-ci a des griffes* et sa langue n'est pas moins acérée. Les blessures du corps et de l'esprit se fondent en une douleur impuissante à faire la part du réel dans la submersion du cauchemar.

D'autant qu'un autre mal envahit et ronge la ville dans ses dédales les plus obscurs : les chiens. Les journaux parlent de meutes et de hordes qui effraient la population essentiellement composée de vieux. Mais "d'où venaient-ils exactement, comptaient-ils rester, en viendrait-il d'autres et qu'allait-on faire contre eux ?" La colère gronde. Les habitants protestent devant le Conseil. Les chiens empestent la merde et la pourriture. Affamés, ils sont de plus en plus agressifs, dévastent les maisons, les jardins et même les caves fermées à clé, surtout dans les banlieues. Puis la sentence tombe : "Ces chiens, il faut les liquider.

Sylvain, comme son ami Ivan, se tient à l'écart de la fureur. Il se demande [à quelle catastrophe les chiens ont pu échapper]. Il imagine un pays en guerre, une ville détruite, les soldats n'épargnant personne. Les chiens ont dû fuir. Et pourtant il travaille au chenil (deuxième partie du livre) sous la direction du mystérieux Krumm chargé de la "gestion de l'errance animale", bureau rattaché directement au "service des déchets". Le lecteur ne manquera pas de faire un rapprochement avec un certain Klamm, célèbre personnage de Kafka tout aussi étrange. De même, la stricte division des tâches et leur dénomination euphémisée afin de les rendre supportables lui rappellera une organisation qui hante encore aujourd'hui la mémoire des anciens...

Le chenil de Laurent Margantin peut donc être lu comme une fiction politique à la fois transparente et opaque. Sans mauvais jeu de mots, l'extermination des chiens est sur les rails et, même si comparaison n'est pas raison, difficile de ne pas imaginer comment pourraient être traités les actuels flux migratoires (comme on dit...)  s'ils venaient à se multiplier aux frontières de l'Europe. Le pouvoir qui procède à la mise en oeuvre n'est en revanche jamais clairement défini. Quel est vraiment ce Conseil dont on ne connaît pas l'émanation ? Qui le dirige ? A qui s'adressent ses nombreux informateurs ? Que penser enfin de la Conseillère dont on ignore le nom ? Son bureau se trouve-t-il dans la galerie souterraine d'une colonie pénitentiaire** ? Son corps est-il à ce point monstrueux ou Sylvain se laisse-t-il déborder par ses chimères ?

Le roman les ressasse au-delà de l'obsession, entre hoquets suffoqués et logorrhées dont les mots empêchés laissent deviner les empêchements du corps. Sylvain est un déchet comme les chiens sont des déchets dans la grande machine à broyer le vivant. Il n'a plus de visage mais une gueule. Il ne renifle plus mais flaire. Il n'a plus le moindre mot à cabrer contre l'oppression. Il accepte ses bourreaux, la mère, la mère, toujours la mère qui complote avec le Conseil, et l'abject Jaspers au chenil. Un seul désir subsiste en lui, comme un lumignon vacillant : grappiller çà et là quelques instants de paix insécure, voler un peu de sommeil dans une cage du chenil ou dans sa chambre, pour reconstituer sa force de travail.

Puis, à la fin du livre, une éclaircie, presque un espoir, grâce à une rencontre inattendue, alors que et que, mais taisons-nous, un voile se lève, fragile, si fragile...

Au petit jeu des appariements littéraires, on peut penser aux romans noirs de Thierry Jonquet (La Bête et la Belle, Mygale) et, en ce qui concerne l'écriture du ressassement au roman de Michèle Desbordes, Le commandement, qui évoque aussi le lien obsessionnel entre un fils et sa mère.

Extrait :

Le soir à mon retour j'aménageais comme je pouvais la cave pour pouvoir y dormir plus confortablement, alignant et entassant plusieurs pneus usagés d'anciennes voitures qu'avait possédées le père et qui avaient toutes disparu, pourquoi la mère avait-elle gardé ces vieux pneus je l'ignorais en tout cas ils m'étaient utiles à présent et même si ça ne faisait pas un lit très confortable avec ces creux  entre lesquels je devais me lover c'était toujours mieux que les escaliers ou le sol bétonné, les nuits suivant le bannissement de ma chambre je veillais quelques heures rêvant à nouveau du chenil et de ma future exécution attendant les dobermans qui ne venaient pas, mais vers le matin j'arrivais à dormir quelques heures savourant même ma nouvelle tranquillité dans cette cave où je n'entendais plus la mère claquer ses volets et gueuler contre les chiens qui circulaient dans la rue, toujours plus nombreux.

Le chenil de Laurent Margantin est publié aux éditions Tarmac et coûte 20 €.

* Clin d'oeil à Kafka

** Re clin d'oeil au même

 

samedi 16 septembre 2023

Kazuo Ishiguro, Klara et le Soleil

 

Klara est une AA, une Amie Artificielle androïde qui fonctionne à l'énergie solaire. Elle attend dans la vitrine d'un magasin que des parents l'achètent pour leur adolescent. Les interactions physiques étant de moins en moins nombreuses dans la société, les enfants apprennent à domicile sur leur "oblong", la présence auprès des jeunes d'un ou d'une AA est quasiment obligatoire. Mais de nouveaux modèles sont déjà disponibles sur le marché, en apparence plus perfectionnés. 

Klara ne manque pourtant pas de compétences. Sa locomotion manque d'assurance sur le terrain accidenté de la grange McBain, sa vision globale fragmentée peut troubler brièvement son appréciation des situations ordinaires mais son intelligence et sa mémoire sont très développées. Elle est également dotée d'une grande faculté d'empathie qui l'incite à approfondir ses connaissances de l'âme humaine. Enfin, conformément aux lois de la robotique édictées par Isaac Asimov, elle ne peut commettre aucune action contraire aux intérêts des personnes.

Un jour, alors qu'elle s'ennuie depuis des heures à sourire à d'éventuels clients, elle est remarquée par Josie, jeune fille "pâle et frêle" à la démarche peu sûre. Ses paroles volubiles la séduisent à tel point que, outrepassant ses droits, elle dissuade une autre adolescente de l'acheter. Après plusieurs visites, la mère de Josie se laisse convaincre et Klara réussit ses débuts dans le monde malgré l'hostilité de la gouvernante Melania.  Elle entretient avec la fille une vraie complicité et la mère, lors d'une sortie en tête à tête à la cascade de Morgan Falls, lui parle de Sal, la soeur morte prématurément. Puis elle lui adresse une demande étrange. Le lecteur en comprendra mieux la portée quand il sera question du portrait de Josie que M. Capaldi est en train de réaliser. Qu'adviendra-t-il de cette adolescente souffreteuse et de son ami Rick, garçon rêveur qui a élaboré un système d'oiseaux-drones ?

On peut évidemment ranger Klara et le Soleil dans la catégorie des romans de science-fiction politique. Mais c'est bien d'ici et maintenant dont nous parle Kazuo Ishiguro. De nombreuses menaces pèsent sur l'homme et son environnement gravement compromis par la machine tentaculaire Cootings. Il est une marchandise substituable comme a été "substitué" le père de Josie malgré son statut d'ingénieur de haut niveau. Et la substitution commence dès l'enfance. Les meilleurs éléments qui ont des moyens financiers suffisants sont "relevés" et peuvent prétendre aux universités les plus prestigieuses. Les autres sont abandonnés à leur sort quelles que soient leurs qualités. Certains fondent des communautés plus ou moins clandestines et tentent de résister à l'oppression techno-génétique. L'opinion publique, savamment manipulée, traite cette dissidence de complotiste voire de fasciste.

Cela dit, la force du roman tient avant tout à la singularité de Klara. Ses perceptions tantôt morcelées tantôt floues de ce qui apparaît et les interrogations qu'elle en déduit sur la complexité du réel en font une intellectuelle perméable aux nuances infinies du sensible. Elle réussit à s'émanciper de sa condition robotique et devient une machine désirante assortie d'une volonté très ancrée, celle par exemple d'éradiquer toute pollution dans la ville. Enfin, en lui conférant une dimension onirique voire mystique dans son rapport au Soleil, Kazuo Ishiguro campe un personnage plus humain que bien des humains sans désir ni volonté. Sans tomber pour autant dans un transhumanisme suspect. Si perfectionnée soit-elle, Klara ne prendra jamais la place d'un être de chair et de sang. 

Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro fait partie de la sélection 2023-2024 pour le prix des Lycéens. Il est disponible en Folio.

jeudi 7 septembre 2023

Les assiettes bordées de jaune


Les assiettes bordées de jaune on aurait dit

les soleils qu'on voit se balancer

dans les champs de juillet

quelques ombres tombaient d'un tilleul

sur la nappe et roulaient sous les couverts

nous avons bu un pétillant noir

un coup de sang après nos anémies

et des langues ont claqué avec des rires

les muscles reprenaient leur ampleur

dans les chemises froissées

les beaux-frères parlaient de gros cubes

ils avaient du bruit jusque dans les yeux

les enfants jouaient autour du tilleul

et l'un d'eux a demandé

tu crois qu'elle est vraiment morte mamie

le son [i] s'est promené nous l'avons vu

ouvrir dans l'air une trouée

et défaire un nuage effiloché

puis plus rien aucun double fond

où des souvenirs auraient pu végéter

une fille a pleuré sans contagion

l'heure était maintenant à la viande

au charnu croustillant au jus poivré

j'ai senti sur ma nuque une chaleur

piquetée de points luminescents

ils avaient des griffes dans mes os

cela se voyait on me regardait

des fourchettes se sont suspendues

des yeux se sont arrondis

l'ouverture d'une bouteille de vin

m'a sauvé du désastre j'ai tendu mon verre

et mon corps est rentré dans sa peau

j'ai joint mes mots à ceux des autres

qui disaient les petits rien un peu gais

de la vie presque tranquille

systoles et diastoles allant l'amble lent

sur chemin de campagne à faible déclivité

j'ai cru que ça allait durer mais non

nous étions là pour la morte

encore intacte dans son bois de sapin

une fille a évoqué un souvenir

tel jour telle heure à tel endroit

elle avait dix ans et

arrêt de la bande à repasser

une autre fille a dit que non et non

ce n'était pas ce jour-là

ce n'était pas le matin mais le soir

ce n'était pas dans le salon dans la cuisine plutôt

une troisième fille  a voulu retrancher

le faux du vrai

le vif saisissant le mort l'emporterait

mais la mémoire a fait des embardées

des courts-circuits  des collapsus

et nous avons ri

j'ai repensé à la détonation dans le cimetière

dont personne n'a parlé comme si

un mystère usiné par les chimères

qui restaient dans le ventre des filles

et je me suis raconté d'autres sottises

la morte s'était armée d'un revolver

pour traverser un boyau méandreux

perclus de turgescences

avant le grand passage hypothétique

des fantômes étaient là qui la hantaient encore

sa mère empoisonnée son  père atrabilaire

ses collections d'amants à la cloche de bois

alors une balle une seule en plein coeur du vide

pour que la mort rattrape un peu la vie

mardi 5 septembre 2023

Maxence Amiel, Par la fenêtre tardive

La vie n'est pas un cristal limpide. Elle est taillée dans une matière obscure dont les faces, bougeant sans cesse, s'interpénètrent et se multiplient à l'infini. "Afin de découvrir ce qui nous manque". Etre, c'est agir en rebroussant les chemins, à contre-sens des mots ajustés comme [une chemise trop courte] et Maxence Amiel va jusqu'à s'en réjouir. "Que pourrions-nous espérer si l'existence n'était pas de fleurs pourries et des lunes enfumées ?", écrit-il au début de son nouveau recueil Par la fenêtre tardive. Puis, à la fin : "Nos vies heureusement sont des portes qui grincent."

Le livre est composé de deux mouvements, Terre levante et Ambre, adressés à sa fille avant sa naissance puis après. Maxence Amiel lui dit que les joies et les tristesses ne sont pas des mondes disjoints mais que, sans cesse maillées l'une à l'autre, elles accouchent du futur autant que du présent. Même si des heures très sombres menacent l'humanité, avec "des mourants sur un terrain de chasse", il ne faudra pas s'avouer vaincu mais puiser dans les blessures un nouveau souffle vital. Pour "rebâtir des signaux efficaces / plus contre / plus pour / en lisière". Avec cette déclaration d'amour simple et vibrant de tendresse à l'enfant ayant grandi : "il y aura nos souffles qui forment nos nuages, nos sourires nos frontières et tes rêves pour les outrepasser".

Le deuxième mouvement du texte, Ambre, confie son ouverture à Merleau-Ponty en quête d'un langage idéal qui "nous délivrerait de lui-même en nous livrant aux choses". Les déplis y sont souvent plus longs, tirant vers la prose, ou brefs comme des copeaux. La fille de l'auteur est née. L'angoisse de la perte est déjà là, à combattre absolument y compris quand on trébuche. Il faudra résister en se tenant la main, sans se bercer de récits trompeurs et "permettre à tes petits pas d'être les grands qui nous feront relever la tête". Il y aura sur le chemin "le témoignage d'une rose", la banalité de l'eau sur "les murs des villages", le "rire des épines qui chatouillent sous le sapin". C'est ainsi, loin des faux-semblants de la langue et de l'incertitude du poème, en acceptant de ne pas tout comprendre des trames ordinaires, que peuvent apparaître des visages. Celui de la fille aimée quand elle découvre "la lune posée sur le plein jour". Celui d'un crâne même s'il n'est pas beau. Celui d'un "sourire dans le vol des pierres" lorsque les baisers nous soignent.

Par la fenêtre tardive est le cinquième livre de Maxence Amiel. Il touche le lecteur par la profondeur de sa maturité et de sa lucidité.  Il s'attache aux petits pas et aux petits riens qui donnent de la substance au réel, à la façon parfois de Jean-Baptiste Pédini également jeune père de famille et nous aimons cette fragilité obstinée. Pas après pas.

Extraits :

Je voudrais savoir dire

le mot qui sauve.

La lettre qui rassure.

La phrase.

 

Mais chaque signe que je trace

est un nouveau trou que je creuse

comme à mains nues

pour y planter une fleur.

 

Que dois-je faire alors

du petit tas de terre qui reste ?

*

Rester.

Notre seul métier

ici.

 

Nous tenir au chaud

dans les chemins rescapés.

*

C'est te trouver qui dessinait ma route.

Cette seule intrusion dans la demeure obscure

une route droite, longue et tranchante.

te trouver 

engageait le risque. 

*

il ne fait pas nuit

il ne fait jamais nuit

il ne peut pas faire nuit quand je regarde

par la fenêtre tardive

 

et toi qui portes ma main comme un calice

à tes lèvres d'enfant

 

enfant que tu restes avant l'arrivée

ce sera ton chemin, la nuit, peut-être,

à cause de moi ou parce que mon départ

plus tard, peut-être la nuit ton chemin

 

Par la fenêtre tardive de Maxence Amiel est publié aux éditions Aux cailloux des chemins. Il coûte 12 €.

lundi 28 août 2023

Puis le silence a pesé davantage

Puis le silence a pesé davantage

nous avons regardé le fourgon partir

pendant que les hommes aux cordes

rangeaient leurs sacs de chantier

et nous sommes partis aussi

sans nous retourner

j'ai écouté mes semelles elles avaient des dents

concasser les gravillons et mordre les tessons

j'ai vu un caveau de famille propre devant et

sale derrière

un pigeon finissait d'y pourrir parmi des larves

le propre et le sale le pur et l'impur

cette part impossible à faire

et pourtant on s'obstine

j'ai regardé quelques visages

leurs traits recomposaient les arêtes des nez

on ne sait pas assez que les nez parlent

en troussant la lumière

vers le front ou le cou

pour dire qu'ils restent maîtres des ombres

ils s'imposent au visage

contre ses biais faux fuyants travers et coulisses

puis soudain le réel a ses fracas

une détonation quelque part mais où

quel orage disait-elle sous un hangar

ou le fond d'une cour

y avait-il devant les grilles du cimetière

un forcené qui et qui et qui qui

simple folie du hasard

ou règlement de compte avec la morte

quelque chose a remué dans mon estomac

un grommellement de son ventre à elle

une chimère dormante et ses lianes

dans ma gorge et sous ma voix

mon corps s'est dépêché vers la sortie

la lumière y était moins grise

les gravillons plus clairs

quelques enfants piaffaient autour des voitures

et ma peau avait des impatiences

les soeurs trouvaient encore à dire

leurs mots s'étiraient accordéons perpétuels

dans les fumées du tabac blond

et les derniers reniflements

quelques pies s'agaçant

ont enfin donné le signal du départ

le ballet des berlines a repris son branle

le paysage s'est déroulé sans accrocs

fondu enchaîné de gris souris

et de vert pilé ça faisait des paillettes

j'ai demandé si quelqu'un savait pour la détonation

la chasse était-elle ouverte

dans les combes et les halliers

un dos a frémi un nez s'est plissé

c'est moi qui détonnait à l'étroit

mes jambes et mes bras où les mettre

ma tête où la poser avec son vrac

j'ai regardé la route dans le rétroviseur

ses ondulations tremblantes

ses plats trompeurs

ses accotements fragiles

et je me suis imaginé sur un vélo

à essayer de rattraper mon double dans la voiture

comme un enfant courant et courant encore

après ce qui lui manque

lundi 21 août 2023

Je me souviens de Roger

 

Depuis quelques jours, je me souviens de Roger. Le fait de vieillir, sans doute, me rapproche de l'enfance. Que j'ai vécue à ses côtés, dans un village près d'une rivière murmurante et d'un pré où poussaient des boutons d'or.  

 

 

Roger était un ancien sergent-chef parachutiste qui a combattu pendant sept ans en Indochine et en Algérie. Il s'était engagé pour s'éloigner de sa mère. Il me l'a dit. Quand il a quitté l'armée, il est devenu ouvrier papetier la semaine et paysan le reste du temps, avec quelques champs dont un arpent de vigne, deux vaches et un cochon. Il mettait le travail au sommet de ses valeurs morales, au point de diviser l'humanité en deux parties bien distinctes : les courageux et les tire-au-flanc. 

Roger n'aimait pas non plus les faiseurs d'embarras qui tiraient au grand, se croyaient au-dessus de leur condition sociale, comme le bourgeois de Molière singeant les manières des gentilshommes. A l'armée, en prenant des cours du soir, il aurait pu devenir adjudant puis sous-lieutenant. Il avait refusé la proposition, préférant être un peu quelque chose chez les petits que rien chez les "gros". Chacun son monde. De toute façon, disait-il, ça ne changerait jamais.

Malgré ses idées très arrêtées, Roger a bien accueilli mon enfance timide et rêveuse. Parfois, pendant le cours préparatoire, il m'amenait à l'école et me faisait la bise devant la porte. Plus tard, j'avais douze ans, il m' appris à faire du vélo et a sué sang et eau tellement j'étais maladroit. Plus tard encore, j'ai remarqué que ses yeux se sont émus lorsqu'il a su que j'avais réussi au brevet.

Roger gardait le plus souvent ses émotions pour lui. Comme la plupart des soldats, il ne racontait pas les horreurs de la guerre. Mais il évoquait volontiers la végétation à l'autre bout du monde. La luxuriance des bananiers notamment. Au point d'en planter un dans le potager. Le seul bananier du village était le sien, protégé de l'hiver par un paillage idoine. J'aime à penser que, la nuit, quand il sortait pour aller faire ses neuf heures à la papeterie, il ne manquait pas de lui jeter un coup d'oeil. Comme un rituel. Qui disait le lien immémorial de l'humain et du végétal.

Dans la même veine sensible, je me souviens qu'une fois il a dit qu'il adorait écouter les oiseaux chanter, la nuit encore, en pédalant sur son vélo qui filait vers l'usine.

Mon propos, bien sûr, n'est pas de brosser un portrait idyllique. Roger, comme chacun de nous, avait ses défauts. Par exemple, il s'agaçait assez vite si quelqu'un s'entêtait à le contredire. Enfin, fils et petit-fils de paysans, il ne faisait pas de sentimentalisme si un chat s'en prenait aux poules ou aux canards. Il réglait le problème d'un coup de fusil et sa main ne tremblait pas ; je l'ai vu.

Il y a deux ans, j'ai cherché sur internet s'il y avait quelque chose sur Roger. Roger Danglade. Et j'ai appris qu'il est mort le 10 mars 2009, dans ce village d'Ambérac dont mon imaginaire se nourrit encore aujourd'hui.

Voilà ! Loin de toute littérature qui pourrait "tirer au grand et faire des embarras", je suis content d'avoir écrit ces lignes sur Roger. 

 

Image Wikipedia : Le bureau de poste et l'école à gauche, où j'ai passé toute ma scolarité élémentaire.

jeudi 17 août 2023

La terre déblayée faisait autour de la fosse

 

la terre déblayée faisait autour de la fosse

un petit rempart pour les petites bêtes

il y avait des vers et des cloportes

des araignées rondes comme des cloques

et un scolopendre empêtré

des enfants les regardaient se débattre

cependant que les mères trop nerveuses

mordillaient le filtre de leur cigarette

le fourgon funéraire allait arriver

mais le temps pesait lourd sur les poitrines

même le ciel papier mâché était bas

il aurait fallu une brassée d'oiseaux

pour alléger le décor et les pensées

je me suis assis sur une tombe à l'écart

et j'ai regardé le bout de mes chaussures

en écoutant les apartés des filles

une disait que l'emplacement était bien choisi

il y avait un arbre qui ferait de l'ombre l'été

et un robinet pour changer l'eau des fleurs

une autre disait que la cérémonie avait été rapide

on ne prenait plus le temps de rien

y compris quand on passe

un peu plus loin des beaux-frères racontaient

des bêtises le poing devant leur bouche

et enfin le ronron du fourgon

c'en serait bientôt fini

on tournerait la page de l'événement

on ouvrirait celle des souvenirs

à retoucher le soir après boire 

ils piqueraient les yeux en riotant

quelqu'un d'à part rimailleur à ses heures

ou gratouilleur de guitare le dimanche

hocherait du chef comme les chiens

en plastique à l'arrière des voitures

et dirait inspiré mezza voce

la morte est bien vivante

quatre individus ont surgi du néant

avec des jeux de cordes aussitôt dépliés

autour du cercueil qui tanguait vacillait

furtif esquif et nos nerfs à vif

allait-il choir direct dans le trou

quand il fallait y glisser sans à-coups

nous sommes restés cois souffle court

le peuple de la terre aussi s'était figé

laissant les oiseaux interdits dans les hauteurs

arrêt sur image et silence

le poids du monde tout entier là

lesté de mes enfances inventées

avec les cris de l'araignée et du scolopendre

et ça durait durait

le cercueil toujours suspendu

entre deux mondes irrésolus

de quel côté la vie

de quel côté la mort

il n'y avait pas d'entre-deux où se tenir

à moins que de rêver fort sans queue ni tête

pour ne pas perdre l'équilibre

les mots sont de piètres funambules

le fil de l'absolu manque d'épaisseur

gare au gadin dans le ravin

les cordes du cercueil ne sont pas moins fragiles

quand elles se frottent aux noeuds du bois

puis le film a repris du mouvement

l'enfouissement a eu lieu avec des éboulis

de schiste et de mica on a vu des étoiles

la morte enfin avait des éclaireuses

elle ne se tromperait plus de chemin

si tant est qu'il y en ait un dans le ciel filandreux

un frisson a coulé sur nos échines

et je l'ai vu s'enfuir vers les allées voisines

lézardeau affolé

[fff] [fff] disait l'écho des douleurs

[frrr] [frrr] répondait l'écho des pelles

qui rebouchaient déjà le trou

il y avait hâte le soir allait tomber

les enfants voulaient manger du chocolat

pourquoi cette envie-là à ce moment-là

que j'ai eue moi aussi

ma fatigue n'en pouvait plus dans mes jambes

trop de fantômes au mètre carré

et de lettres effacées sur les marbres dédorés

trop de vases sans fleurs et couchés

de souvenirs qui ne verraient jamais le jour

mais le rituel nous demandait encore

l'ordre du monde en dépendait

dans le vide comme dans le plein

dans les lignes ouvertes comme dans les lignes fermées

dans le clair comme dans l'obscur

les lumières et les ombres se filant le train

j'ai ramassé une pincée de terre

celle de la morte qui avait toujours vécu

dans ces parages de coteaux et de marais

les mêmes qui m'ont vu essayer de grandir

à trente portées de là

et se sont faufilés entre mes doigts

des microns de poussière

mon corps s'est penché mes vertèbres ont craqué

les suies dans la mémoire m'ont raidi

et j'aurais pu tomber avec la morte

mes lèvres écrasées sur les lèvres de la croix

dont le bronze déjà disparaissait

sous les pelletées du remblai

le dos vert bouteille m'a retenu au bord du trou

et nos mains se sont serrées

avant de céder la place au suivant

la fin du film ne pouvait plus attendre



dimanche 13 août 2023

L'église penchait sous le poids des fatigues

 

L'église penchait sous le poids des fatigues

Et les saints de plâtre piquaient du nez

La morte est entrée sur un chariot

Dont les roues mal huilées

Jouaient un mauvais air

Les fleurs avaient autour du cercueil

Des tremblements de vieux malades

La famille suivait qui était sans visage

Les larmes avaient séché au fond des yeux

Le chagrin prendrait du temps

Pour taveler les regards

Et je suivais aussi à petits pas

Mes mains ne savaient où se mettre

Un jeune prêtre aux cheveux jaunes

Nous a menés à nos bancs culottés de sueurs

Et je me suis demandé ce qu'était ce nous

Une madone dans sa niche a froncé les sourcils

Un angelot sur un tableautin a roté

Ce n'était pas le moment ce n'était pas le lieu

Des philosophies à tiroirs et sans fond

Alors j'ai regardé les dos devant moi

Apprêtés à l'hommage pour la morte

Je les ai imaginés nus et parlants

Les frissons disent bien les joies minuscules

Quand la vie se porte vers la vie

Et envoie promener les embarras

Mais le prêtre a interrompu mes fantaisies

Avec une chanson populaire

Sur un tourne-disque des années soixante

Et ça grésillait dans mes oreilles

Puis après une première prière

Dont le son lui aussi était peu sûr

Dans la lumière froide qui tombait des vitraux

L'existence de la morte a été passée au ripolin

Epouse dévouée mère dévouée

Voisine dévouée chrétienne dévouée

Dévouement sur la terre et dévotion pour le ciel

Quelques idioties me sont venues

Comme dans un roman de Marcel Aymé

Le christ descendait de la voûte en rappel

Et des nuées de putti voletaient à ses entours

Cependant que montait depuis les dalles

L'odeur d'aisselle de la sainteté

Un éternuement dans une stalle

Où n'allaient plus que des égarés

A coupé court à mes sottises

J'ai écouté les paraboles de l'homélie

Qui parlaient de l'amour et des astres

J'ai entendu le mot faute

J'ai entendu le mot oubli

J'ai entendu le mot pardon

On aurait dit le mouvement déréglé

D'un jeu de billes ayant trop servi

Le boulard de la faute bardé de rouille

Faisait tout un charivari sous les crânes

Le pardon en plastique n'était pas de taille

Et s'épuisait dans son grand combat

Avec l'oubli qui refusait l'oubli

Puis on s'est levés pour un dernier signe

Devant le cercueil où les fleurs ne tremblaient plus

Le prêtre a recausé de l'amour et des astres

Ses cheveux jaunes ressemblaient à un soleil

Au milieu d'un champ de bataille

Et j'ai souri sans perdre de vue le dos

Qui me précédait en trottinant

C'était un dos tendu de vert bouteille

Avec deux ou trois plis verticaux

Parfaitement repassés et tranquilles

Rien de fâcheux ne pouvait m'arriver

Il n'y avait pas de raisons non vraiment aucune

Où les aurait-on trouvées

La famille cheminait vers la morte

Dans la paix cotonneuse de l'encens

L'angelot du tableautin a joué du flageolet

Et la musique était jolie

Quand ma main a touché le cercueil

Les astres de l'amour

N'ont pas viré au calembour

Un peu de froid m'a saisi la gorge

Une rose a pâli dans sa gerbe

Je me suis dépêché de rattraper

Le dos vert bouteille

jeudi 10 août 2023

Ses mains marmottaient encore


Ses mains marmottaient encore 

Sur les draps tirés au cordeau

Comme si ses repentirs la poursuivaient

Une odeur de cendre traversait la chambre

Et j'ai fui ses lèvres grises

Qui n'ont jamais su m'embrasser

Une bougie près du cercueil ouvert

Faisait des contorsions et gémissait

Pauvre bête perdue

Au bord du grand précipice

La flamme était à l'image de la morte

Une petite chose sans lumière

Que la vie avait traînée dès ses premiers jours

Suffoquant déjà sa poitrine à l'étroit

J'ai rejoint devant la maison le silence de l'attente

Qui reniflait un peu toussotait crachotait

Près du jardin sous la brume

Où rampaient des haricots asthéniques

Une fille pleurait sur l'épaule de sa soeur

Qui ne savait comment faire avec les larmes

Une autre dont le pied s'agaçait

Traçait dans les gravillons du seuil

Des cercles de famille si maladroits

Qu'une envie de rire la prenait à la gorge

Cela se voyait à son cou surgonflé

Je me suis éloigné de la comédie de la mort

J'ai regardé la fatigue du jardin sans oiseaux

Les marguerites n'y grandiraient pas cette année

Les haricots auraient de répugnantes métamorphoses

Et j'ai surpris mon visage au fond d'une eau croupie

Il avait sur les joues quelques traits de la morte

Il avait dans les yeux la même pâleur

Des illusions perdues de l'enfance

Mon dos a eu des soubresauts

Qu'il me fallait retenir

Je n'étais ici qu'un figurant dans les écarts

La peine des autres n'était pas la mienne

Puis dans la brume qui continuait à descendre

Le fourgon funéraire est enfin arrivé

Crotté comme un tombereau de pommes cuites

Il avait mordu la boue des ornières

Sur un chemin qui n'était pas le bon

Le chauffeur a dit qu'il y avait à se dépêcher

L'au-delà n'attendrait pas longtemps

Et son aide a sorti d'une mallette en fer-blanc

Une visseuse électrique  dont le fil tortillait

Un voisin de la morte pétri de fausses pitiés

A ramassé un tuyau d'arrosage

Et nettoyé les coulures du fourgon

Cependant que bourdonnaient les jointures du cercueil 

De guingois sur ses tréteaux

J'ai fermé les yeux le film ne tournait pas rond

Tant d'images égaraient ma mémoire

Le nom de la morte était-il vraiment le sien

Avait-elle vraiment subi les misères d'alcôve

Qu'on avait fini par sanctifier

Pour en détacher les souillures

Avait-elle avait-elle

N'avait-elle pas n'avait-elle pas pas pas

Et le son [pa] aurait pu m'engloutir 

Vortex empestant les suints des vieilles couches

Si au détour d'une allée de mûres et d'abeilles

N'avait surgi une troupe de drôles en dimanche

Que je n'avais jamais vus

Que j'allais enfin connaître

Après l'enfouissement de la morte

Autour d'un repas à la hâte

Sur des tables de camping et bancales

Mais tout ça faisait trop de gestes

Mais tout ça disait trop de mots

Les gestes et les mots qui me manquent toujours

D'avoir si mal connu ma mère 

 

Image grimaçante prise par mes soins dans un jardin de Porto en mars 2017