mercredi 20 février 2013

Dans la durée des oiseaux #6

Tu viens d'entrer dans un temps de murs blancs, avec le vide pour durée. Tu dois puiser en toi l'eau et le pain, le sel et le sucre. Sauver ton corps couché sous la lumière où ta mère t'a brûlé. Retrouver la mesure du sang et de la peau. Loin des signes rongeurs d'enfance. Par la fenêtre fermée, un petit rectangle de toits et de voitures joue comme un paysage.
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Un oiseau lent dans un jardin et la torpeur t'y conduit. Tu cherches aux ramures immobiles la même durée. Tu comprends l'instant fragile de l'abeille et l'aplomb du mur par-delà les haies. Tu ne sais pas, dans ton corps, ce qui s'en va en premier de toi, ce qui pourrait tenir au bout de ta fatigue. Vivre ou mourir. Nous allons toujours de l'un à l'autre, aec ce qui nous reste du poème. Notre maison de papier.
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Les îles, encore, nous reviennent avec leur sable rond. Les ombres des marcheurs y ont le grain des heures sans présence. L'horizon est un souffle accordé à ce que nous cherchons de léger en nous. Une voile au loin claque dans le souvenir. Visible et invisible au fort de la houle. Une ligne de lumière et rien d'autre. Pour nous tenir.
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Tu prends le temps de la nuit aux mots. Quelques vieilles silhouettes traversent tes yeux. Le jour les ferait pleurer. La nuit protège leurs larmes sur la marge du papier. Une fièvre, dis-tu, te mène au silence rouge d'une cigarette. Tes mains courent au devant des phrases. Loin du rond de la lampe, une goutte d'eau dans l'évier te tient en alerte. C'est maintenant que la langue se joue. Tu la dépouilles. Tu la couches en toi. Et les silhouettes désignent des visages perdus. Une soeur. Un père. Un amant. Saisir leur instant fragile à la lisière de l'aube. Parler encore et encore de la neige et du sable. Disparaître enfin sous tes paupières, quand l'évier se tait.

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