dimanche 18 octobre 2015

Lettre à une militante du parti socialiste

Chère militante du parti socialiste,

Il y a quelque temps déjà que je songe à vous écrire car votre pensée échappe à ma compréhension. Je lis régulièrement vos publications sur un réseau social. Vous êtes une personne de culture. Les arts et les lettres font partie de votre chemin. Vous évoquez aussi l'action du gouvernement et défendez avec ferveur Emmanuel Macron. C'est précisément cette ferveur que je ne parviens pas à élucider. Sa dimension passionnelle vous conduit à des propos qui peinent à convaincre.  Comme si, loin de la mesure chère à Montaigne, votre raison s'enrayait dans le flou conceptuel. Reprenons par exemple la notion de modernité, devenue aujourd'hui plus que jamais l'aigle impériale des salons feutrés. Elle martèle jusqu'à devenir inaudible qu'elle est la seule issue à la crise que nous vivons depuis quarante ans. Toute autre considération relève d'un passéisme désuet et populiste, dont, mépris aux commissures et cristal de Bohême à la main, les thuriféraires se gaussent en regardant chatoyer les ors des chambranles. 
Ainsi, l'ouvrier, l'employé, le petit fonctionnaire, le petit cadre d'entreprise, l'artisan, le commerçant de proximité, le médecin en zone rurale, l'avocat appointé par l'aide judiciaire sont d'indécrottables nostalgiques des temps anciens.
Ainsi, le cadre dirigeant, le grand chirurgien, le grand distributeur, le propriétaire d'usines à gaz et le propriétaire de machines à bétonner, l'éditorialiste en vue du Figaro ou de Libération, le financier, le promoteur immobilier incarnent le nouveau modèle social. 
Un camp contre un camp comme dans la guerre des boutons. Une guerre perdue par les premiers qui sont pourtant les plus nombreux. Une guerre gagnée par les seconds qui disposent d'une puissance de feu jamais égalée y compris au mitan du dix-neuvième siècle. A tel point que certains d'entre eux envisagent de créer leurs propres Etats. Loin des passéistes inquiets pour leur feuille de paie, leur sécurité sociale (oh ! le vilain mot qui empeste !), leur retraite (oh ! la vieille idée !) et l'avenir de leurs enfants qui devront bientôt payer au prix fort des études de plus en plus improbables. 
Chère militante du parti socialiste, Emmanuel Macron, encensé par la presse néolibérale de droite comme de gauche, est un représentant de cette prétendue modernité dont la voracité pourrait précipiter nos sociétés occidentales dans le chaos. La guerre des boutons changerait alors de braquet. Jean-Claude Guillebaud le rappelle souvent : le mépris n'est plus supportable. Des chemises de cadres dirigeants ont naguère été lacérées lors d'une échauffourée. Bientôt, ce sont les corps de ces mêmes personnes qui auront à souffrir du désespoir qu'ils engendrent d'un trait de plume. 
En utilisant les outils qui sont à votre disposition, ceux de la sociologie, de la philosophie, de l'anthropologie, de l'économie même (Une pyramide de Ponzi demeure une pyramide de Ponzi que l'on se dise moderne ou non), vous vous apercevrez que la modernité n'est pas une notion, encore moins un concept. Elle n'est qu'un leurre agité comme un chiffon rouge au nez des peuples.
La réalité n'est ni moderne ni ancienne. Sa trame est celle de l'Histoire avec la grande hache dont parle Kafka. Et sur cette trame, le présent inscrit son empreinte, pas à pas, sueur contre sueur. Un futur déjà en construction verra le jour : tissé d'espoirs ordinaires pour vivre debout, simplement vivre debout. Et il faudra l'entretenir comme on entretient un feu ardent, avec une langue dépouillée de ses affiquets pour magazine, une langue qui saura tendre ses mots à l'autre. Et ces mots alors seront comme des mains. Dans une ferveur pour tous. Au service de tous.

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