«
Qu’ai-je donc fait pour que l’on mette
dans
ma vie autant de prisons ? »
1939
en Espagne pendant la guerre civile. Le poète Miguel Hernández, engagé dans les
rangs des Républicains et membre du parti communiste, est condamné à la
réclusion perpétuelle par le régime franquiste. Il meurt trois ans plus tard
dans sa cellule. Tuberculose. Il a trente-deux ans. Un poète assassiné. Un de
plus. Les dictatures n’aiment pas les mots qui ont des ailes.
Jean-Marc
Undriener publie aux éditions Centrifuges sa traduction de la dernière œuvre du
poète Cancionero y romancero de
ausencias / Recueils d’absences. Il s’agit d’un ensemble inachevé, où
se mêlent tercets dépouillés à l’extrême, sonnets et poèmes au long cours, incantatoires. Seize
textes raturés, poignants dans leur inachèvement même, prolongent ce livre des
absences.
L’absence
du corps de l’aimée, du corps amoureux et nourricier. L’absence du fils mort à
dix mois. L’absence de liberté. L’absence d’espoir et de perspective. De
sens ?
« C’est
pour cela que les gares
ont
le goût de la mort, tout comme les ports.
C’est
pour cela qu’à notre départ
les
mouchoirs s’effeuillent.
Nous
sommes tels des cadavres ambulants
dans
l’horizon, loin. »
La genèse de ce magnifique recueil d’ombre et de lumière, de lait et de miel, de vent et de cendre est rigoureusement établie par Jean-Marc Undriener : « …les Recueils d’absences constituent l’ultime et fascinant témoignage d’un poète saisi par l’urgence, un poète en quête de sens, en constante évolution, en constante interrogation, un poète dont l’œuvre la plus aboutie est, paradoxalement, celle qui n’aura jamais vu le jour. »
Plusieurs
encres du peintre Fusco accompagnent l’ouvrage des mots. Elles représentent un
corps d’homme flottant dans l’air (l’éther ?). Ses bras sont écartés. Un
rayon de lumière noire traverse (crucifie ?) ce corps offert. Le mystère
demeure. Comment pourrait-il en être autrement quand triomphent les forces du mal ?
Les
lecteurs hispanophones trouveront l’original de ce Cancionero y romancero de
ausencias sur le site mhernandez.narod.ru/poesia.htm
Extraits :
Dis-moi
depuis là-bas, en bas,
les
mots je t’aime.
Parles-tu
sous la terre ?
Je
parle comme le silence.
Aimes-tu
sous la terre ?
Sous
la terre j’aime
parce
que là où tu traverses
mon
corps aussi veut traverser.
Je
brûle de puis là-bas, dessous
et
j’allume ton souvenir.
*
Je
suis une fenêtre ouverte qui écoute,
par
laquelle regarder la vie ténébreuse.
Mais
il y a toujours, dans le combat, un rayon de soleil
Qui
finit par laisser l’ombre pour morte.
*
Emmenez-moi
au cimetière
des
vieilles chaussures.
Passez-moi
à toute heure
le
chiendent du balai.
Semez-moi
comme on sème
des
statues au regard rigide.
Dans
un jardin de bouches,
futures
et dorées,
mon
ombre s’illuminera.
Recueils d’absences
de Miguel Hernández, (plus de deux cents pages sur beau papier coquille d’œuf,
couverture à rabat), est disponible chez votre libraire ou sur le site des
éditions Centrifuges. Il coûte 15 euros.
Image 1 : cornadasparatodos.blogspot.com
Image 2 : www.fibrillations.net
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