Un fil de texte a cela de commun avec un fil
de fer qu’il peut se tordre et se distordre dans tous les sens. Un
fildetextiste doté d’un fort talent de funambule/somnambule peut même y faire
des nœuds, dans un style soutenu comme dans un style plus rugueux. Marie Cosnay
a de toute évidence ce talent-là.
Dans son dernier ouvrage, Aquerò, (qui
signifie « ceci » en patois béarnais), elle tombe dans une grotte
pendant un orage et rapetisse. Puis elle prend son envol comme les moineaux
dont elle a désormais la taille. Après le ventre de la terre peuplé de monstres
et de bisons peints, la cime obscure d’un if dans un cimetière, la nuit.
« Un bout d’espace blanc et
lumineux » apparaît…
Quel est-il ? Quel genre lui attribuer
s’il prend forme ?
Entre souvenirs de l’infirmerie dans son
collège en 1974, relations historiques des années 1856-1858 et visions
hallucinatoires de toutes sortes, Marie Cosnay nous livre ses perceptions
chaotiques de Bernadette Soubirous qui ne saurait être Calamity Jane
défouraillant à tout-va. Comme un écho à ce qui la hante du corps et de la
chair, du naturel et du surnaturel, de l’enfance en ses fièvres blessées, de la
mort qui ossifie.
La disposition de ce fil de texte, tantôt
récit tantôt poème ou presque théâtre, déroute le lecteur dans sa recherche des
intentions cachées. Que veut dire Marie Cosnay ? Que veut-elle nous faire
dire en évoquant, parmi d’autres, les figures archaïques et mythologiques de la
Vénus de Brassempouy, de Cassandre et d’Ulysse ? Cependant que lui revient
du passé un jeune homme sur une Mobylette ?
A ces questions et au jeu des appariements
littéraires dont je suis friand, je donne ma langue au « lézard sur les
tuiles du toit », à la « biche impromptue », aux « moineaux
de robes tabliers et paniers remplis qui s’ébrouent ». A la langue même.
Celle de la littérature dans son exigence la plus ardente.
Extrait :
« … le fils de la Sainte Vierge va donner
la matrice ou utérus de la truie qu’on va appliquer sur le nombril de
Marguerite et de Rose ou Rosie qui parle pour elle aussi bien que pour sa
copine au nom de fleur bis, la Sainte Vierge l’a compris car elle comprend
tout, elle comprend aussi que les femmes ont tant de ventres, chacune en a
tant, un ici et un ici, il y a tant de femmes, ça n’en finit pas de se
déplacer, de souffrir, de descendre, de faire des petits et des petites choses
et des ennuis incommensurables. Le fils de la dame va offrir le ventre de la
truie et on n’en parlera plus. »
Aquerò, de Marie Cosnay est publié aux
Editions de l’Ogre et coûte 17 €.
image bibliosurf.com
image bibliosurf.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire