jeudi 26 avril 2018

Julien Thèves, Le pays d'où l'on ne revient jamais

Résultat de recherche d'images pour "le pays d'ou l'on ne revient jamais"" Cette histoire n'est peut-être qu'une fiction pure, relation de faits étranges, probables, supposés, racontés, réinventés avec les photos, retranscription de choses qu'on m'a dites...", écrit Julien Thèves dans son récit Le pays d'où l'on ne revient jamais. Le lecteur comprend vite que ce pays est l'enfance. Cette enfance si souvent invitée à la table des mots par la plupart des auteurs. Pour l'apprivoiser dans ses laideurs comme dans ses beautés. Et ils n'en reviennent pas d'y revenir sans cesse tout en sachant qu'on n'en revient jamais, qu'elle colle à la semelle des souvenirs quoiqu'on s'en défende.
Julien Thèves ne fait pas exception à la règle mais il a une conscience très aiguë d'arpenter une voie sans issue. Il ressasse, il rumine, il piétine la mémoire de la banalité qui jamais ne fut un lieu sûr. Au point d'être empêché dans son écriture même.
" Plus ce livre avance, et moins le pronom se précise, il se dissout dans la foule de la côte, dans les souvenirs minces... Les pronoms sont brouillés car la mère ne disait jamais "je", jamais "tu", mais toujours "on" : un ON énorme et englobant qui dissolvait toute identité..."
Au demeurant, l'auteur-narrateur ne réussit à dire franchement JE qu'au milieu du livre. Mais l'incertitude poursuit son travail de sape. Comment affirmer qu'on a eu une enfance heureuse ? Comment affirmer au contraire qu'elle ne le fut pas ? Si on est de surcroît incapable d'écrire en entier le nom de la ville où on a grandi.
Cette ville de H. est pourtant un "personnage" qui compte dans ce récit fragmenté. Sa situation frontalière entre la France et l'Espagne accentue le brouillage des dits et des non dits. Il est bien difficile de la percevoir dans ses changements invisibles tout au long des années mille neuf cent quatre-vingt. Mais il y a la mer et la pluie, de cela on est sûr. Il y a aussi "une vieille gare abandonnée", "un cinéma abandonné, "un hôtel abandonné". Répétitions, ruminations...
Et c'est l'écriture de Julien Thèves qui répète et rumine, qui s'agence dans le bégaiement comme celle de Laurent Mauvignier dans ses tout premiers textes. La mer avec sa "grande plage abandonnée" assourdit ses échos puis les reprend jusqu'au bout de la fatigue et de l'ennui. Alors, oui, voilà une écriture de ressac à marée montante. Elle recouvre puis recouvre encore, un peu plus loin à chacun de ses passages, un peu plus profondément dans ce qui reste à creuser de l'oubli, ce qui n'a jamais peut-être eu lieu : L'enf...
Lisez comme un puzzle sans contours Le pays d'où l'on ne revient jamais de Julien Thèves publié chez Christophe Lucquin éditeur (19 €) et abandonnez-vous sans vous dissoudre à ses beautés.

P.S. : N'ayant pas lu le roman d'André Dhôtel auquel Julien Thèves adresse un clin d'oeil, je n'en parle pas.

image christophelucquin.editeur

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