21 avril 1980
Réservoir des agonies
dans la tiédeur des linges
je suis garée en
double file de la mort
22 avril 1980
Tressautement de mes
lèvres collées
rire qui jaillit trop plein
ressorts dans la gorge
et tout à coup comme une
envie de pleurer
3 mai 1980
Si tout reste à dire
si tout reste à faire
alors
je serais muette et paralysée
j'aurais trop peur de
me juxtaposer
5 mai 1980
Rattraper vivement la goutte
de salive à la commissure
des lèvres
ou le furtif retrait
du couteau de ma gorge
décembre 1981
Ne plus manger
ça pourrit le ventre et c'est
la mort qui vient
sans qu'on s'en aperçoive
3 mai 1982
Tu aurais le temps
tout le temps nécessaire
pour me désagréger
15 avril 1983
Alors tu sèmes
quelques portraits d'hommes
heureux
tu penses aux pourpres des lilas
tu penses à ces ombres
qui hantent tes miroirs
26 avril 1983
Vos gestes sont lents mesurés
appliqués
votre regard immense
un lac sans ombre
parfois vous portez l'odeur
des brumes rousses
d'après pluie
Le 21 avril 1980, Brigitte Giraud a vingt et un ans. Elle note dans son carnet des citations de John Irving, tirées de son roman Le monde selon Garp, et une phrase de Marc Aurèle sur la brièveté de la vie. Il y a aussi une photo d'elle, coupée en deux, et une plume de paon ramassée dans un jardin public à Hania en Crète.
Et tout ce qui fera son écriture vingt ans plus tard est déjà là : nu et poignant.
images paradisbancale.over-blog.com
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