" D'abord faire ce qu'on me dit de faire. Construire un mur là s'il faut le construire là. Blanc s'il doit être blanc."
Ainsi parle Thierry Metz en sirotant sa Kronenbourg dans la touffeur du salon du livre de Bordeaux. Il paraît serein, roule sans trembler de fines cigarettes. Il semble, par le don de soi aux tâches qu'on lui demande, puiser en lui-même une totale liberté. Sa voix, comme sa poésie, navigue entre ciel et terre, entre nuages et racines. Ses yeux, bleu vert, ou vert bleu, je ne sais plus, ont la transparence de ses mots. Quand la voix se tait, ils mettent de la lumière dans le silence.
... Lors de notre rencontre, voulant me livrer au jeu de la parenté littéraire, j'ai demandé à Thierry Metz s'il n'y avait pas dans ses vers un peu de Reverdy. Son visage s'est éclairé. Ses yeux transparents ont fulguré. "Oui, Reverdy, j'aime beaucoup Reverdy. La guitare endormie notamment."
... Dans sa préface à "Plupart du temps,I", Hubert Juin évoque une poésie tout à la fois de surgissements et d'effacements, pour capter le réel absent, la douleur de l'absence. Thierry Metz, qui a publié son premier livre après la mort de son fils, se trouve dans la même quête. Qu'il élève des poèmes ajourés de silence ou des murs blancs, dans une tentative désespérée de faire se joindre le ciel et la terre, c'est la souffrance qui se dépouille, c'est l'être pleurant qui s'écartèle pour mieux se rassembler, autour du trou où luit la douleur.
" la terre en vue retournée
par la mort un instant
de ce qui brille
les yeux fermés."
" à l'heure déjà venue
d'approcher ce qui depuis longtemps est clos
le monde et pas une rose
une roue et nul chemin
seule une exclamation
et comme un enchantement."*
* in Dans les branches, Editions Opales
Cet article est paru dans la revue Le bord de l'Eau en 1996.
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