lundi 9 mai 2022

Non et non, Jean-Claude Guillebaud n'est pas complaisant avec Le Pen

Je suis ému. Peiné même. Un ancien journaliste de Sud Ouest écrit sur Twitter que Jean-Claude Guillebaud est complaisant avec Marine Le Pen et qu'à ce titre son article qui devait paraître le dimanche entre les deux tours de l'élection présidentielle a été censuré. Sa supposée proximité avec Jean-Luc Mélenchon est également incriminée.

Je lis la chronique dominicale Paris-Province de Jean-Claude Guillebaud depuis trente ans. J'aime son style, sa réflexion politique, son intérêt pour les "gens de peu" chers à Pierre Sansot. J'aime ses évocations bucoliques et pastorales de la Charente où il vit avec sa femme
Catherine quand il n'est pas à Paris. J'aime "l'assiette" qu'il sait garder entre Montaigne et Camus, un peu stoïcien sceptique, un peu épicurien. Bref, Jean-Claude Guillebaud est un humaniste au sens le plus élevé du terme, toujours à distance des fracas médiatiques et politiciens. 

J'ai beaucoup appris en le lisant. Il m'a conduit à approfondir ma connaissance de l'oeuvre d'Edgar Morin dont il fut l'éditeur au Seuil. J'ai découvert grâce à lui le concept de réalité liquide de Zygmunt Bauman et bien d'autres références. Je l'en remercie vivement.

Un tel homme, catholique de gauche, ne peut en aucun cas être complaisant avec l'idéologie du Rassemblement national. Il est en revanche sensible au désemparement qui mène tant de citoyens à ce vote dangereux, tout en restant au plus près de l'analyse sociologique et anthropologique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, mis sur le même plan au prétexte fallacieux que les extrêmes se rejoindraient (ce qui est ontologiquement faux), Jean-Claude Guillebaud ne fait pas siennes toutes ses idées et désapprouve ses outrances langagières.

Alors, que penser de ce malheureux tweet du journaliste de Sud Ouest, pourtant homme de bon aloi. Je devine sous sa plume un libéralisme clairement assumé et des opinions très favorables à Emmanuel Macron. Il n'y a là rien de rédhibitoire mais je déplore, comme souvent, trop de sévérité avec les "pauvres", ces assistés qui coûtent un bras à la France en gaspillant leur argent et trop d'indulgence envers les "très riches" nonobstant leurs turpitudes. Je me souviens à ce propos d'une personne qui brocardait un salarié d'Air-France pour avoir arraché la chemise d'un DRH puis, quasiment dans le même souffle, accordait son pardon aux fraudes fiscales de  Carlos Ghosn car il avait sauvé Renault de la faillite...

Toujours la même antienne de la "bourgeoisie" qui ne s'est pas encore remise des avancées sociales du Front populaire. Toujours la même méfiance des Catégories Socio Professionnelles supérieures, qu'on peut résumer comme suit : "Oh ! celui-là, il est toujours au bistrot à dépenser son RSA." Etc.

Cette vision rétrécie de l'humanité souffrante, même si elle contient un peu de vérité, on ne la lira jamais dans les chroniques de Jean-Claude Guillebaud. Comme l'auteur de L'étranger, il considère qu'il y a plus à admirer chez l'homme qu'à mépriser. 

Ce journaliste devrait plutôt lui rendre grâces.

Rêvons !

Photo de la chronique de Jean-Claude Guillebaud parue dans Sud Ouest Dimanche daté du 8 mai 2022.

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