Munéaki vient d'être muté dans une agence à la campagne. Ses parents lui prêtent la maison qui jouxte la leur. Pas de loyer à payer, une aubaine ! D'autant que sa femme Asa a démissionné de son emploi pour le suivre. Hors de question que le jeune couple se sépare momentanément comme le suggère la belle-mère. Une nouvelle vie commence. Munéaki travaille dur et rentre tard le soir, souvent abruti de fatigue ou accaparé par son téléphone portable.
Asa découvre l'étrangeté d'avoir beaucoup de temps libre et apprivoise peu à peu son environnement saturé par les cris des cigales. Elle regarde le jardin de ses beaux-parents où le grand-père, qui n'a peut-être plus toute sa tête, arrose les plantes au jet même quand il pleut. Elle se promène le long de la rivière qui va jusqu'à la supérette du village. Des groupes d'enfants parfois y folâtrent, comme surgis de nulle part.
Un jour, elle aperçoit un animal : "Peut-être une hallucination due à la chaleur, me dis-je d'abord, cependant j'ai beau le scruter, il s'agit bien d'un être vivant, une espèce de mammifère à l'évidence. Il a le pelage noir, est grand comme un chien de taille moyenne, ou un peu plus. Il semble assez large d'épaules ou massif, pourtant ses pattes, quoique minuscules au niveau des cuisses, s'affinent au point de n'être pas plus épaisses que de maigres branches à partir des genoux."
Puis elle tombe dans un trou assez profond, seule sa tête dépasse, et ne doit son salut qu'à une voisine passée là par hasard. Un trou bien troublant, qui ne semble pas très naturel... Et la voisine elle-même, comment savoir si... ?
Le trou est le deuxième roman de Hiroko Oyamada. Publié en 2014. L'auteure s'est installée à la campagne pour l'écrire. On y retrouve, comme dans L'Usine, l'évocation du monde travail au Japon. Les employés en CDD ne bénéficient pas des mêmes avantages que ceux en CDI. Leurs heures supplémentaires, non prévues contractuellement, sont peu rémunérées voire pas du tout. Leur prime de fin d'année s'élève à deux ou trois billets glissés dans une enveloppe joliment calligraphiée alors que les CDI perçoivent au minimum deux mois de salaire. Soit trente mille yens d'un côté et six à sept cent mille de l'autre pour le même travail effectué. Criante inégalité qui concerne aussi les congés de maternité, les CDD n'y ayant pas droit. Par ailleurs, y compris à poste équivalent, les serviettes en CDI ne se mélangent guère aux torchons en CDD. "Certaines CDI sont très gentilles. Seulement, nous n'évoluons pas dans le même monde.", observe Hiroko Oyamada.
Le trou a reçu le prestigieux prix Akutagawa en 2013 au Japon. Le lecteur sera souvent dérangé par la rumeur des cigales même quand elles se taisent et, comme dans L'Usine, il connaîtra d'autres inquiétudes... Traduit par Silvain Chupin, le livre est publié chez Christian Bourgois éditeur, il coûte 20 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire