(On ne peut jamais vraiment savoir comment une image saisit le regard. Ni comment elle le fait durer. Ni où elle le conduit. L'image ne peut pas exister sans cette part d'ignorance.)
Toujours cette sensation que le soleil ne se relèvera pas, qu'il sera le dernier. Nous veillons depuis trop longtemps sur nos parages. L'eau est tellement imprévisible d'un bord à l'autre des sables et des fanges. Les coques de nos bateaux ont la douleur des vieilles carcasses. Les mâts tremblent et penchent déjà sous le poids du ciel. Résisteront-ils aux orages quand nous prendrons le large ? Et nous ? Oh ! nous, c'est autre chose. La fièvre du paysage remonte à loin. Nos yeux n'y ont pas résisté. Notre mémoire s'est disloquée. Les mots du visible ont commencé à manquer. Et quand les mots manquent, le corps déplie moins ses gestes. Le réel vire et chavire. Nous l'avons dit aux gens qui sont venus nous voir. Ne restez pas là. Ici, même la beauté est dangereuse.
(On ne peut jamais savoir comment
les mots s'emparent des images. On
imagine un tuilage de représentations
entre surface et profondeur. Le réel
s'en ressent, inéluctablement biaisé.)
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