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samedi 19 janvier 2013

Dans la durée des oiseaux #2

Cinquante ans après, tu parles encore de la mort de ton chien dans la neige. Qu'avais-tu donc fait de mal pour mériter ce malheur ? Tu te souviens des traces de sang que tu avais suivies jusqu'à lui. Un chemin que tu refais sans cesse, goutte à goutte, quand ton coeur bat de travers.



La ville depuis dix ans est un remuement de terre et de trous. Comme un cri ouvert qui pourrait nous figer dans sa glaise. Avec tout ce qu'il y a de vieux restes sans mémoire. Des os et des tessons, des fragments d'étoffes ou de grès. Nous ignorons dans quelle langue ils se trouvent, qui nous rapprocherait de leur durée. Un peu de mélancolie fait battre nos paupières. Nous creusons notre corps comme on creuse la ville. Et rien ne le remplira jamais, nos larmes sont trop sèches, nos silences trop vides.



Tu me demandes parfois comment c'était les courtilières. Tu fermes les yeux pour que ma mémoire revienne. Les mots que je vais dire te font déjà frissonner. Avec leurs mâchoires.



Comment aurions-nous pu grandir puisque nous ne sommes pas encore nés ?



Un pont désormais embrasse les deux rives du fleuve, là où il n'y avait qu'un brouillon de paysage. Nous irons appuyer ce qui nous reste de mémoire au nouveau parapet. Nous inventerons comme nous l'avons toujours fait des cris d'oiseaux dans la lumière basse du jour.

mercredi 16 janvier 2013

Dans la durée des oiseaux #1

Nous n'avons jamais su ce qui nous tient, qui aurait pu tout aussi bien défaire notre chemin. Nous avons les gestes assez fragiles pour accueillir le silence des questions.

Nous ne connaissions pas les visages de la mort mais nous devinions leur présence. Dans les crissements de la neige quand ta mère pesait trop lourd sur ta poitrine. Dans les rumeurs vertes du fleuve quand j'allais lui conter mes solitudes.

Le rêve au matin bat encore sur tes paupières. C'est le même depuis toujours, qui creuse dans ton sang. Tu aimes penser qu'il te survivra, à l'affût d'une proie nouvelle.

Tu n'étais pas née quand tu as fait ton premier voyage. Le bruit de la voiture du père te berçait dans le ventre de ta mère. Tu n'aurais pas dû en revenir. Elle te l'a dit. A huit ans, tu étais en âge de comprendre. A quoi bon faire tant de manières, avec cette histoire.

Nous avons souvent couru avec le vent le long des frondaisons d'aiguilles sèches. Eprouvé la fatigue des oiseaux trop lourds à l'horizon. Frémi d'être là, encore.