jeudi 27 juillet 2017

Leo Perutz, La troisième balle

Résultat de recherche d'images pour "leo perutz"" Las ! Les jours et les heures de mon passé s'en retournent bredouilles et ne rapportent ni visages ni personnages. Ceux que j'ai invoqués ne veulent pas venir, ils ont tous disparu de ma mémoire, ils ne m'ont rien laissé que l'écho de leur nom. Et ma vie elle-même a pâli, je n'y retrouve même plus mon propre visage."

Franz Grumbach, prince luthérien déchu suit comme un fantôme l'armée du très catholique Charles Quint et participe au massacre de ses frères allemands.
Autrefois, pourtant, dans le nouveau monde où Cortez et le duc de Mendoza semaient la terreur, il nourrissait d'immenses projets qui changeraient la face de l'univers. Mais il ne disposait que de trois balles dans son arquebuse. Une pour le duc de Mendoza, son demi-frère. Une autre pour Cortez. La dernière pour l'empereur.
Hantée par la perspective de voir le trésor de Montezuma aux mains du félon, la haine de Grumbach sombre dans la folie. Le Diable lui-même s'en effraie et s'enfuit. La belle Dalila prend aussi la fuite quand elle découvre le visage défiguré du possédé. L'amour n'aura pas lieu. Trop de cruautés jusque dans le paysage dont les fièvres sont sans rémission quand le lierre vert se déchaîne...

Ce premier roman de Leo Perutz contemporain de Kafka, (les deux écrivains travaillèrent un temps dans la même compagnie d'assurances), n'est pas un roman d'aventures. C'est une immersion qualifiée parfois de baroque dans les chimères des personnages. Les chimères de leurs désirs inassouvis, de leurs croyances païennes et religieuses, de leurs tudesqueries. Avec des notations qui relèvent de la littérature fantastique. On peut aussi rapprocher ce roman du film Aguirre, la colère des Dieux de Werner Herzog.

La troisième balle de Leo Perutz est disponible en livre de poche, collection biblio.

Dictionnaire des mots rares et précieux, lettre g

Gagnepain, n. m. Gant d'armes, gantelet de joute.
Résultat de recherche d'images pour "séchoir à maïs traditionnel"(Tout était bon au temps jadis pour gagner son pain. Les chevaliers pauvres entraient dans la lice cependant que les moines fort dodus d'avoir trop englouti d'oublies revêtaient la silice.)

Galibot, n.m. Enfant de 12 à 14 ans qu'on employait comme manoeuvre dans les mines de houille.
(Rappelons que le travail des enfants n'a pas disparu en Europe même s'il reste marginal.)

Galoche, n.f. Hist. Elève externe de l'ancienne université de Paris.
(Les étudiants, trop souvent pauvres, rêvaient de pistoles bondissantes sur le pavé luisant de Paris et leurs galoches dépareillées dont on voyait le bois se défaire étouffaient des plaintes à réveiller les morts du Pré-Saint-Jacques.)

Garbure, n. f. Soupe aux choux, aux haricots blancs, au lard et au confit d'oie, en usage dans le sud-ouest de la France.
(Le tourisme vert n'était pas encore à la mode. Les Gersois dégustaient leur garbure entre poteaux, arrosée d'un madiran de derrière les fagots où on cultivait l'authentique pour les vraies gens, pas les caves parisiens ou les demi-sels de toute engeance.)

Garouille, n. f. Métrol. Mesure de capacité utilisée en Algérie pour les grains et les fruits.
(Comme aiguail et dail, le mot garouille a bercé mon enfance. Il était masculin et désignait le maïs. Le séchoir à maïs s'appelait un garouiller. Etonnant ce voyage entre Alger et l'Angoumois.)

Gâteuse, n. f. Sorte de redingote très ample, ressemblant aux capotes d'hôpital.
(Et je me souviens que le mot redingote vient de l'anglais riding coat pour faire du cheval car je ne suis pas encore gâteux.)

Genétaire, n. m. Cavalier de l'ancienne armée d'Espagne.
(Ce mot me surprend par sa ressemblance avec le vocable espagnol utilisé par Lorca notamment : jinete.)

Goret, n. m. Premier ouvrier chez les cordonniers, les chapeliers.
(Le sieur Melon, devenu goret le matin par les bonnes grâces de son maître, fêta sa promotion avec les catins du Pré-Saint-Gervais et en mourut le lendemain. Sa veuve le pleura peu car toute sa vie le chapelier s'était comporté comme un fieffé goret.)

Goujat, n.m. Autrefois, valet d'armes. II Aujourd'hui apprenti maçon.
(Si tous les goujats du monde se levaient comme un seul, il n'y aurait plus sur Terre un arpent où construire.)

mercredi 26 juillet 2017

Dictionnaire des mots rares et précieux, lettre f

Résultat de recherche d'images pour "brassens"Jeune retraité à la peine pour cause d'augmentation de la C.S.G., je cherche sur Indeed un emploi de filetoupier à mi-temps, confortablement allongé sur ma flaneuse. Mon expérience du chanvre remonte au début des années mille neuf cent soixante-dix quand j'écoutais en boucle les Pink Floyd qui viraient parfois au vert ou au noir. 

Fagne, n. f. Marais situé dans une petite dépression, sur un plateau ou sur une montagne.
(Il existe en Charente une bourgade nommée Villefagnan. Je pensais qu'il y avait un rapport avec les "faignants". Mais non. La ville ne disparaîtra pas à cause de la paresse ; les fagnes l'engloutiront avant.)

Fardier, n. m. Chariot à roues basses servant à transporter des charges très pesantes : blocs de pierre, etc.
(Je me souviens du fardier de Cugnot dessiné dans mon livre d'histoire quand j'avais dix ans. Je me souviens de l'avoir vu en vrai, imposant, au Musée des arts et métiers à Paris. C'était beaucoup plus tard.)

Fesse, n. f. Partie arrondie de la poupe des anciens navires en bois.
(Les meufs ont de la fesse, les bateaux aussi et c'est bien.)

Filetoupier, n. m. Batteur de chanvre.
(Par décret du gouvernement Philippe, les filetoupiers bénéficieront comme les tondeurs de drap de contrats aidés pour lutter contre le chômage endémique dans cette profession.)

Flaneuse, n. f. Sorte de chaise longue cannée.
(Réjouissons-nous de pouvoir désormais flâner tout en restant couchés sur notre flaneuse sans chapeau, les pieds en éventail et la pipe à la bouche comme dit Lulu du haut de ses quatre-vingt-sept ans.)

Formication, n. f. Méd. Sensation de picotement sous la peau, causée par un défaut de circulation.
(Ce terme aurait inspiré l'ami Brassens. Un excès de formication pendant la fornication et adieu la donzelle qui s'en va à tire d'aile !)

Frairie, n. f. Partie de bonne chère et de divertissement. II Fête de village. Dans quelques provinces : confrérie.
(Il y avait chaque année, dans le village charentais où je m'essayais à vivre, une frairie sur la place de la mairie et de l'école. Autos tamponneuses, manèges pour les petits, tir à la carabine. Et le bal bien sûr, monté en deux jours avec son plancher de bois verni et son toit de toile verte. Il y avait...)

Frelampier, n. m. S'est dit pour bon à rien. II A l'origine : moine chargé d'allumer les lampes d'un couvent.
(Les moines dans les couvents regardaient trop les rondeurs naissantes à la gorge des novices et rataient souvent leur allumage qui les prenait ailleurs et c'était un feu ardent contre lequel l'eau bénite ne pouvait rien. Ne pas déduire que tous les frelampiers sont des obsédés sexuels.)

Fringuer, v. intr. Sautiller en dansant. Se dit aussi des chevaux : le cheval fringue.
(L'adjectif fringant vient probablement de là. On peut imaginer que le verbe pronominal se fringuer aussi. La langue verte, fringante plus que toute autre, adore sautiller du coq au cheval.)

Fromage, n.m. Chim. Morceau de terre réfractaire sur lequel on pose le creuset dans les fours. II Théâtr. Encadré mettant en valeur le nom de la vedette sur l'affiche.
( L'expression "il n'y a pas de quoi en faire tout un fromage" vient peut-être du deuxième sens. A quoi bon en effet mettre en avant quelque chose ou quelqu'un qui n'en vaut pas la peine !)

Fructose, n. m. Chim. Sucre d'origine végétale.
(L'obsession de la minceur a popularisé ce mot au-delà du raisonnable. Mais il est vrai que dans les années soixante l'alimentation était beaucoup plus saine.)

image cocomag

mardi 25 juillet 2017

Dictionnaire des mots rares et précieux, lettre e

Résultat de recherche d'images pour "kafka"Reprendre les effervescences des lettres emmêlées ; elles errent lentement et se perdent en cette verve légère que je révère. Elles s'élèvent, éthérées, célestes, et les essences me semblent tellement belles que je les réserve en mes rêves éphémères.

Ebertauder, v. tr. Tondre un drap, une étoffe de laine, en première coupe.
(Le métier de tondeur de drap est promis à un bel avenir après celui des tondeurs de chiens.)

Eburné, ée, adj. Qui a la blancheur et l'apparence de l'ivoire.
(Attention au faux sens assez courant. Rien à voir avec les burnes dont une personne serait privée après quelque méfait, en place publique pour le plus grand plaisir de quelques donzelles effarouchées et d'une pléthore de sadiques.)

Ecologie, n.f. Science qui étudie les rapports existant entre les êtres vivants et leur milieu naturel. 
(Hé oui ! A cette époque, René Dumont n'était pas encore apparu à la télévision avec sa pomme et son verre d'eau. Le mot écologie restait douillettement à l'intérieur de la communauté scientifique.)

Ecrivain, n.m. Nom vulgaire d'un insecte coléoptère du genre eumolpe, qui s'attaque aux feuilles de la vigne et y découpe des sortes de caractères.
(Nul doute que Kafka connaissait cette autre définition du mot. Gregor Samsa aurait sinon échappé à toute métamorphose.)

Ejaculation, n. f. Nom donné à certaines prières courtes et ferventes, qui se prononcent à quelque occasion passagère, comme si elles se jetaient vers le ciel.
(Un jet nourri, donc, mais bien bref ! C'est bien dommage pour les prieurs.)

Encabaner, v. tr. Mettre les vers à soie sur des claies.
(Voilà une définition qui aurait inspiré Malet, Simonin ou encore Audiard !)

Encre, n.f. Bot. Maladie du châtaignier.
(Il ne manquerait plus que les feuilles du châtaignier fussent dévorées par des écrivains impénitents et l'encre serait violette.)

Endoscope, n.m. Chirur. Instrument à l'aide duquel on peut éclairer et examiner une cavité à l'intérieur du corps humain.
(Encore un vocable aujourd'hui fort répandu surtout si on a plus de cinquante ans. Le lecteur remarquera l'emploi du terme instrument plutôt qu'appareil, comme si un endoscope était mis au même niveau qu'un simple bistouri.) 
Entre-nerfs, n. m. inv. Petit espace compris entre les nervures du dos d'un livre.
(Le jeune chevalier d'Harmental, qui n'en pouvait mais de suer sur les mémoires de Saint-Simon, dépeça sans s'en apercevoir tous les entre-nerfs de la collection en vingt-deux tomes.)

Epithalame, n. m. Littér. anc. Petit poème de circonstance composé à la louange des nouveau époux, à l'occasion de leur mariage.
(Une pensée pour Verlaine qui usa du terme alors qu'il était pourtant si malheureux dans son ménage.)

Ergoter, v. tr. Arboric. Couper l'extrémité d'une branche morte.
(Curieux comme le sens familier évoque plutôt un ajout inutile de branches même pas nées.)
Escarre, n. f. Blas. Pièce d'armoiries qui a la forme d'une équerre.
(Il est donc de la première importance que le blason de la duchesse soit retourné toutes les deux heures afin que la pourriture ne vienne pas empuantir sa réputation au-delà de tout soupçon.)

Escoffier, v. tr. Tuer.
(Je suggère à nos adolescents dont la verve est bien connue de doter leur bouffon du pouvoir d'escoffier tous les boloss.)

Eteuf, n. m. Petite balle d'étoffe pour jouer à la paume.
(Dans Fortune de France, Robert Merle utilise le mot esteuf. On y voit Charles IX ou son frère Henri suer du pourpoint quand l'éteuf est par trop volatil.)

Etranger, v. tr. Eloigner d'un lieu, en parlant d'animaux.
(Aujourd'hui, dans un village obscur des Hautes-Pyrénées, les habitants considèrent que les migrants sont des animaux et veulent les étranger en construisant un mur.)

image larepubliquedeslivres.com

dimanche 23 juillet 2017

Sauvons la librairie Moreira da Costa à Porto !

Résultat de recherche d'images pour "livraria moreira da costa porto"Salah Al Hamdani et Isabelle Lagny, écrivains, découvrent à Porto la librairie Moreira da Costa. Ils sympathisent avec Angelo Miguel Gonçalves Carneiro qui leur montre quelques livres précieux. La sympathie grandit. La conversation prend un tour franchement amical. Miguel Carneiro conduit ses hôtes jusqu’à la cave et c’est l’éblouissement ! Ici repose depuis 1902 l’un des trésors culturels de Porto. Des milliers d’ouvrages très anciens en parfait état de conservation. Certains datent du dix-septième siècle et sont probablement des éditions rares, y compris dans la langue de Molière.
Miguel Carneiro est très ému. Il dit : «  Dans ma famille, nous sommes libraires depuis cinq générations. » Et il ajoute, en français : « Voilà mon paradis ! »
Mais un voile de tristesse traverse ses yeux :
« Le propriétaire de l’immeuble ne souhaite pas renouveler notre bail. La mairie de Porto doit décider dans les jours qui viennent de notre déménagement en banlieue. »
Soit avant la fin de ce mois de juillet. Une catastrophe pour Miguel Carneiro, son père et sa femme !
IL FAUT DONC SAUVER LA LIVRARIA MOREIRA DA COSTA.
En voici les coordonnées :
Livraria Moreira da Costa
Rua de Avis, 30   Porto
Tel (351) + 222 007 524
Voici aussi les coordonnées de la mairie de Porto :
Câmara Municipal do Porto
Geral : 222 097 000
Direção Municipal da Cultura e Ciência ˃ Departamento Municipal de Cultura
Maria Sofia Huet de Bacelar Sà Alves
Amis des livres, dépêchez-vous, il est presque déjà trop tard. Vous pouvez écrire en français, en anglais, en espagnol et en portugais bien sûr. Vous pouvez aussi demander Angelo Miguel Gonçalves Carneiro en ami sur Facebook pour lui témoigner votre soutien moral.
LES LIBRAIRIES SONT AUSSI DES ARMES CHARGEES DE FUTUR.

image de la librairie

mardi 11 juillet 2017

Retourner à Angoulême, 4

Résultat de recherche d'images pour "jean claude pirotte"Enfant, il venait là chaque automne, chaperonné par la vieille dame en gris qu'il appelait mémé. Le jardin vert. Il s'étonnait de ce nom mais n'en faisait pas part. On n'avait guère l'habitude, dans le village où il subsistait, des questions inutiles. Il y avait trop à faire avec les vaches et les veaux, les verrats, les cochons, et même les poules donnaient de l'ouvrage.

Au jardin vert, la vieille dame et l'enfant s'asseyaient toujours sur le banc du bassin au phoque et mangeaient à midi des tartines avec du jambon ou du fromage blanc. Une demi-pomme, une banane pas trop mûre, qu'un verre de limonade faisait couler, terminaient ce repas sur le pouce. 

L'enfant s'étonnait aussi du phoque : ses longues moustaches, sa peau luisante, les cris qu'il poussait. Etonnement tu encore, un autre prenant aussitôt la place dans sa tête venteuse. Les voitures par exemple : Aronde, Frégate, Simca Montlhéry, Panhard comme celle de l'instituteur, Traction avant plus noires que les corbillards, DS presque silencieuses et c'était comme une magie hors d'atteinte, surtout quand la berline était décapotable.

Puis deux heures sonnaient aux clochers à l'entour. La vieille dame et l'enfant se rendaient au cinquante-cinq rue de l'Arsenal. Il y avait là le magasin de vêture de l'assistance publique. On y fournissait le trousseau de l'année. L'enfant n'essayait pas les pantalons de gros drap. Ni les chaussures montantes pour l'hiver ni les sandalettes pour l'été. Un béret, survivance des années d'occupation, complétait le lot qu'on emportait le soir dans deux valises en carton bouilli.

Il ne fallait pas manquer le car qui partait de la place Bouillaud. Une heure de voyage à tressauter parmi des grands-pères à bretelles, des fumeurs de Gauloises papier maïs, des demoiselles de cinquante ans qui avaient raté leurs épousailles avec le seigneur, des boiteux et des boiteuses mal guéries de la polio, des cages à poules et des cages à lapin, des chiens pelés qu'on ne tenait pas en laisse.

L'enfant ne fermait pas les yeux. La fatigue le prendrait plus tard, vers ses quinze ans. Il regardait les champs, les poteaux en bois des lignes électriques, les bornes jaunes de la départementale, quelques bottes de paille oubliées, deux ou trois places où des buveurs piquaient du nez sur le Pernod.

Pensait-il à quelque chose ? L'assourdissant fracas de la carcasse du car l'amenait-il seulement à rêvasser ? 

Aujourd'hui, plusieurs décennies ayant glissé, instables durées, l'enfant juxtapose deux images :

Première image. L'enfant pousse la porte du cinquante-cinq rue de l'Arsenal.
Deuxième image. Au même instant, à deux kilomètres, sa mère qu'il ne connaît pas prépare le repas pour ses soeurs.

image de Jean-Claude Pirotte qui connut bien Angoulême et ses promenades.

image espritsnomades.com

Retourner à Angoulême, 3

Résultat de recherche d'images pour "angouleme"Dans une bourgade proche, chez l'une des cinq soeurs, on partage de midi jusqu'au soir salades et cochonnailles, vins rosés et vins rouges, mignonnettes allemandes à la prune ou au citron, à boire d'un trait comme à la régalade, en tenant sur le bout du nez la capsule en équilibre. On cause. On rigole. On prête l'oreille à tout ce qui fuse, petits mots, petits gravillons, petits éclairs dans l'éparpillement des joies. On dit des bêtises. On essaie de retrouver ce qu'on a oublié d'anglais pour échanger avec le couple allemand de la famille, venu en voiture de Stuttgart, mille kilomètres. 

Des enfants passent. Epanouis et rieurs. Une petite Bérénice cherche son Aurélien cependant que Juliette s'entraîne à la marche sur le parquet qui ondule de la terrasse. Passent aussi deux joueurs de foot en herbe et en boutons pour cause de varicelle, Enzo et Timéo. D'autres encore. Nino. Charline. Eléa qui plus tard ouvrira une académie de philosophie dans les nouveaux jardins d'Elée.

On se dit que ces enfants vivront des choses formidables. On se le répète. Encore et encore, fidèle qu'on demeure au pari pascalien. Puis on a le sourire pâle. Qu'a-t-on vécu, nous, de formidable ? Existerait-il une échelle du formidable, couchée dans une grange qu'on n'aurait pas vue ? Pas voulu voir ?

On boit un verre de vin capiteux comme on les assemble dans la région des Gigondas. Le sang du peuple. La sangre del pueblo. Quel beau nom pour un vin ! On monterait pour un peu sur la table et on adresserait aux cieux une harangue. On voudrait casser la margoulette à ce Dieu mort et enterré qui nous a dédaignés. Mais c'est pas là-haut qu'on la trouv'ra cette putain d'échelle du formidable. L'ici-bas colle à nos semelles et à nos rêves ordinaires. 

L'un des deux joueurs de foot traverse avec son maillot rouge de Barcelone. On lui caresse la tête. Il ouvre ses grands yeux clairs. Là est peut-être le premier barreau de l'échelle. A portée de soi et des autres. Un levain à pétrir. En un subtil dosage des perceptions et de la pensée. Une philosophie pratique. Allons, le deuxième barreau de l'échelle est solide aussi. Prenons-en le chemin et.