samedi 19 janvier 2013

Dans la durée des oiseaux #2

Cinquante ans après, tu parles encore de la mort de ton chien dans la neige. Qu'avais-tu donc fait de mal pour mériter ce malheur ? Tu te souviens des traces de sang que tu avais suivies jusqu'à lui. Un chemin que tu refais sans cesse, goutte à goutte, quand ton coeur bat de travers.



La ville depuis dix ans est un remuement de terre et de trous. Comme un cri ouvert qui pourrait nous figer dans sa glaise. Avec tout ce qu'il y a de vieux restes sans mémoire. Des os et des tessons, des fragments d'étoffes ou de grès. Nous ignorons dans quelle langue ils se trouvent, qui nous rapprocherait de leur durée. Un peu de mélancolie fait battre nos paupières. Nous creusons notre corps comme on creuse la ville. Et rien ne le remplira jamais, nos larmes sont trop sèches, nos silences trop vides.



Tu me demandes parfois comment c'était les courtilières. Tu fermes les yeux pour que ma mémoire revienne. Les mots que je vais dire te font déjà frissonner. Avec leurs mâchoires.



Comment aurions-nous pu grandir puisque nous ne sommes pas encore nés ?



Un pont désormais embrasse les deux rives du fleuve, là où il n'y avait qu'un brouillon de paysage. Nous irons appuyer ce qui nous reste de mémoire au nouveau parapet. Nous inventerons comme nous l'avons toujours fait des cris d'oiseaux dans la lumière basse du jour.

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