Le souvenir du commencement de l'écriture, on ne l'a jamais. On cherche la première fois dans les dépouilles de l'enfance. On invente puisqu'on n'a rien gardé de nos mots qui trébuchaient sur la page. On fabrique le décor d'une chambre nue, d'une chaise qui grinçait, de la page jaunie par une ampoule en surplomb. On imagine la position du corps penché. Maladroite. Corps et mots c'est pareil.
Comment faire pour qu'ils tiennent debout ?
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Naître à la langue qu'on n'a pas reçue. Avec laquelle on a marché de travers sur des chemins qui n'avaient pas de lignes pour aboutir. Dans une solitude qu'on emplissait pourtant de conversations à voix haute. Et qui effrayaient jusqu'aux oiseaux. C'est là, peut-être, non un commencement mais une origine. Qu'on cherchait dans une fièvre dont on ignorait tout. Puisqu'on ne savait rien, de là d'où on venait.
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Parfois, sans qu'on l'ait voulu, une pépite surgit d'entre les mots. On s'étonne de son mystère. On lui trouve de la beauté. Mais il faudrait pouvoir l'extraire de la tourbe dans laquelle on est pris. En biseauter la lumière. Pour qu'elle dure. On ne sait pas faire. On demeure interdit comme devant les murs que dressait en nous l'enfance effrayée. Un empêchement. Le même à soixante ans et à vingt. Malgré tout ce qu'on a cru apprendre.
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