Courir à l'aube de Frédérique Germanaud est un roman court mais long à lire. Les mailles de l'écriture sont très serrées tout en laissant passer ombres et lumières, vrais mensonges et fausses vérités des personnages comme de l'auteur mis en scène à la table du récit.
Au début du livre, évoquant Le mur invisible de Marlen Haushofer, elle offre au lecteur un exercice apparenté à la littérature comparée :
" Comme moi, la narratrice s'est cognée au ciel, à des cloisons immatérielles, a tenté de faire tomber des murs qu'elle était seule à voir, a crié sans se faire entendre. Puis s'est raccrochée aux mots, usant son unique crayon et recommençant chaque matin à donner cohérence au monde absurde. Faire barrage au néant... Les coïncidences se multiplient à chaque lecture et faussent la perspective de ma propre histoire, substituant la fiction à la réalité."
Cela dit, catastrophe ou pas catastrophe, avant ou après le "Lundi noir", (mais pas pendant), vous rencontrerez un psychiatre et sa petite fille qui enferment de faux oiseaux en papier dans de vraies cages en bois... tout en tournant le dos au ciel de la baie vitrée... Vous croiserez aussi la figure de l'amoureux, (minuscule et majuscule), lequel envoie à la femme quittée des Polaroïd annotés au stylo sur un banc à New York. Mais ne cherchez pas à savoir comment et où ce couple éphémère s'est constitué. Vous n'y parviendrez pas. D'autres personnages passent, incertains tout autant, qui pourraient brûler comme le bonhomme-hiver carnavalesque de la scène inaugurale. Un artiste performeur, quelques inconnus de rencontre dans la friche, taiseux. Un chien mort.
D'ailleurs, dans un prochain récit sur ses carnets, à propos de chien... Frédérique Germanaud envisage de... bref ! En voilà des spéculations pour égarer le lecteur ! Elle est où, en fait, la catastrophe ? De quelle hécatombe parle-t-on ? S'il s'agit d'une hécatombe... Il faudra vous lever bien avant l'aube,avant toutes les aubes, et courir plus vite que votre fatigue, plus vite que toutes les fatigues. Pas sûr que vous soyez à la hauteur des vertiges qui vous prendront. Une seule solution : relire le livre. Il en contient tellement d'autres !
Courir à l'aube de Frédérique Germanaud est publié aux éditions La clé à molette pour la somme de quatorze euros. Mille bravos à cet auteur et à son éditeur.
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