Je lis sur la page facebook d'un homme de lettres et chroniqueur avisé que les Français sont trop râleurs et les agriculteurs trop pleurnichards. Notre homme, pourtant éminemment respectable et respecté, prend l'exemple d'un retraité qui râle parce que la récente hausse de la CSG ampute son revenu de 50 euros et celui de sa femme d'autant. Notre homme de lettres en déduit que le revenu de ce couple s'élève à 4500 euros nets mensuels. Donc, au lieu de regimber, ce retraité ferait mieux de cultiver ses tomates et ses courgettes plutôt que de battre le pavé avec les insoumis et autres hurluberlus de la contestation. Puis il s'en prend aux agriculteurs qui larmoient à la première grêle annoncée. Peut-être ne sait-il pas que le revenu de la plupart des agriculteurs excède rarement cinq cent euros par personne...
Les commentaires qui accompagnent l'article sont encore plus édifiants. La plupart lui faisant chorus. Ils disent en substance que les Français sont toujours à se plaindre le ventre plein et qu'ils ne connaissent pas la vraie misère. En viendraient-ils à la souhaiter ?L'un d'eux, écrivain lui aussi et publié par des éditeurs renommés, accuse carrément les râleurs d'être jaloux des riches. Argument du reste employé par le président de la République, alors qu'il sait bien que la jalousie s'exprime dans une sphère de proximité. Un ouvrier, terme considéré comme populiste, peut envier la situation de son chef d'équipe s'il l'estime moins méritant que lui-même. Mais il ne jalouse que rarement le directeur de l'usine qui appartient à un autre cercle et encore moins le PDG du groupe hors de tout cercle.
Je trouve que ce genre d'article et les commentaires suscités portent un éclairage sans fard sur ce qui advient au fur et à mesure que le libéralisme se débride : la guerre des pauvres contre les moins pauvres et inversement. L'individu qui vit avec 1000 euros demande à celui qui en gagne 2500 de boucler son claque-merde, lequel, tout en impulsivité, pourrait traiter son contradicteur de salaud de pauvre.
Pendant ce temps, les forces du CAC 40 peuvent continuer à dormir sur leurs deux oreilles. L'argent profite beaucoup mieux quand ses possédants ont les moyens de dormir par temps d'orage. Surtout par temps d'orage. " Echarpez-vous braves gens, foutez-vous carrément sur la margoulette, nous sommes à l'abri dans nos bunkers et, lorsque vous aurez fini de vous battre, nous serons encore assez malins pour faire du fric en ramassant les blessés et les morts, en reconstruisant ce que vous aurez cassé. Et puis, hein ! vos vociférations assourdissent le sens commun de la réflexion commune et cela sert aussi nos intérêts. Vous ne pensez plus à nous quand vous vous trucidez. Vous finissez même par nous oublier dans vos jugements révolutionnaires. Continuez sur cette lancée, braves gens, c'est ainsi que nous vous aimons, pour pouvoir vous tondre encore davantage !"
Autre fait notable au sujet de cette page facebook, les commentateurs sont tous des individus appartenant de près ou de loin à la population dite très éduquée et très cultivée. Comme quoi, mais cela est connu depuis longtemps, la culture n'a jamais sauvé quiconque des petites vilenies. Moi pas plus que les autres. J'ai au moins cette lucidité-là. D'ailleurs, je vais doubler le mur mitoyen qui me sépare de mon voisin, lequel survit avec le minimum vieillesse promis à l'augmentation mais à la saint glinglin. On ne sait jamais. Si ça tourne vraiment au vinaigre, il pourrait me chercher noise.
image de la manifestation du 26 mai 2018 contre la politique libérale du gouvernement Macron-Philippe. ici.fr
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