mardi 19 juin 2018

Fabrice Farre, Inflexion

Résultat de recherche d'images pour "editions rafael de surtis"Une inflexion, qu'elle s'imprime dans la ligne d'un paysage ou la courbe d'un corps, a toujours un point. Et la voix du poème commence à changer, donne à la lecture un mouvement qui tarde à révéler ses jeux de miroir.
Inflexion de Fabrice Farre recueille dans les instants de la marche les appuis du réel. La terre comme le ciel sont instables. Le temps lui-même, si meuble, pourrait s'effondrer dans une attente pétrie d'ignorance, inventerait qui sait d'autres possibles au coeur de la langue. Mais quelle serait notre inquiétude si l'alphabet s'augmentait d'une vingt-septième lettre ? Quand "le dehors se retourne comme une peau", les mots ne sont pas des lieux sûrs. Alors il faut épuiser dans la marche toutes les chimères de la mémoire. Voie ferrée ou quai de métro, colline dévalée ou "mer grosse des nouvelles du monde", le chemin est une énigme. Quelle est donc cette silhouette que Fabrice Farre tutoie tout du long ? Quelle est donc cette "caméra subjective" qui hésite entre le haut et le bas du visible ?
En écho à ces questions, Cécile Guivarch écrit dans sa préface : "Fabrice Farre brouille les pistes et le fait avec vibration. Les mots permettent l'inflexion de la mémoire, passée et présente."
Lisez et relisez ces poèmes aux accents surréalistes dont la puissance des coïncidences est parfois proche de celle de Jacques Vandenschrick.

Extraits :

J'imagine qu'ils sont venus prendre
ce que nous avions dû abandonner.
Il a fallu recommencer cent fois pour vivre.
Derrière nous passent des vêtements sales,
un jouet mécanique. Mais le jour
nous précède aujourd'hui,
comme il marche il pardonne.

*

Je vis dans un coin du monde
où ma table vibre émue
par les chenilles processionnaires
des chars sous le ciel de soufre
et les visages rouges. 
Au bout de l'artère un champ de fleurs
colle aux chaussures. On peut y patrouiller
sans craindre la vie.

*

Les bêtes somnolent sous les toits
les murs de la maison adjacente se resserrent
les bruits des ustensiles tournent autour de la table.
Le berger n'a qu'une parole en cet instant
maigre. Les idées noires moutonnent,
la lueur grossissante les pousse.

Accompagné de trois oeuvres peintes de Muriel Carrupt, Inflexion de Fabrice Farre est publié aux éditions Rafael de Surtis et coûte 17 euros.

Oeuvre de Muriel Carrupt en couverture de l'ouvrage. Image rafaeldesurtis.

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