par tous les moyens, cheminer, de Claire Musiol, se déplie en trois mouvements qui interrogent l'essentialité de l'écriture confrontée aux plénitudes de la nature.
Dans promenade, chemin, l'auteure rend hommage aux "arbres [qui lui] parlent avec des racines longues comme des langues". Du plus profond de la terre jusqu'au plus profond du ciel, l'écorce et la peau retrouvent les sensations premières des siècles en allés. Quelle différence alors entre la sève et le sang ? Claire Musiol a "des arbres dans les oreilles" et c'est ainsi qu'elle chemine. Entre le dedans et le dehors, le dessous et le dessus. Avec les moyens propres à ses perceptions, ses émotions, ses mémoires, ses désirs et ses rêves. Le lecteur devine la quête d'un monde inaugural sans cesse recommencé. La mort de l'arbre se consume à bas bruit dans le feu du bivouac : une graine déjà s'apprête à la relève.
Dans road trip, route, Claire Musiol évoque ses longues traversées des Etats-Unis en voiture, dont le mythique Montana. Jack Kerouac et Nicolas Bouvier font partie de cet arpentage qui devient intérieur quand ressurgit "le goût d'enfance et d'aventure". Les paysages ne sont plus que des traits flous dans les précipités de la vitesse sur le bitume. L'essentiel se cache dans la "recherche du tant voulu". Mais quel est-il au juste ? Qu'en saisira-t-on pour "se sentir devenir " ? Le monde est si grand quand les "hommes-cactus" se mettent à marcher.
Dans écriture, poésie, le pouvoir des mots indociles est mis sur la sellette. Claire Musiol, également performeuse, se définit avec humour comme une cow girl chapeautée qui éperonne la langue. Facétieuse, clownesque même, elle colle un nez rouge aux cucurbitacées et révèle qu'une turlutte est un grappin destiné à la pêche. Puis le ton se fait plus grave, plus critique avec une pointe de sarcasme. La "poésie-colère" n'en peut mais de se mettre en colère. Elle étouffe. Son rimmel dégouline et sa marche prend l'eau. Elle ne changera jamais les iniquités du monde. " Autant s'envoler dans le vent avec les arbres". [Il se passera bien quelque chose.]
Claire Musiol signe avec par tous les moyens, cheminer, un premier recueil très prometteur, d'une grande liberté de ton dans tous les registres de la langue. On y devine une ardeur à être dans la multiplicité des durées. Préfacé par Christophe Sanchez, il est publié aux éditions Gros Textes et coûte dix euros.
Extraits :
le bras tendu à travers le jour
repousse le volet sur la nuit
le ciel est couché à terre
un nuage recouvre l'horizon
tout de suite, le sourire de l'enfance
efface les ridules nocturnes
déjà on ouvre la porte
et sur un prétexte inutile
on marche sur le jour blanc
pour regarder ses traces propres
*
lune brouillée
la brume du soir suspendue
chevauche les cimes violettes
dans les yeux de la vallée
chut !
les montagnes se couchent en même temps que les
poules
image de couverture non disponible sur le site de l'éditeur
image de l'auteure clairemusiol.com
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