Le Journal pauvre de Frédérique Germanaud s'étend sur une année, de juillet 2015 à juin 2016. L'auteure prend un congé sabbatique pour se consacrer à son écriture et approfondir sa maîtrise de la peinture. Après l'emploi salarié aliénant, l'apprentissage de "la vie pauvre" est un autre métier qui ne va pas sans fatigue.
Entre cueillette de prunes sauvages et chaussettes trouées, migraines, névralgies maxillo-faciales et consultations anxieuses du compte en banque, Frédérique Germanaud procède aux dernières retouches de son roman Courir à l'aube, donne des lectures dans des bibliothèques ou anime des ateliers d'écriture autour "des objets de l'exil".
Grande marcheuse parmi les paysages urbains et ruraux, elle arpente aussi les territoires littéraires qui lui sont chers : Antoine Emaz, Valérie Rouzeau, Françoise Ascal et Pascal Quignard parmi d'autres, dont Rick Bass, auteur du magistral Journal des cinq saisons.
Sept haïkus de Bashô jalonnent également ce journal intime et extime qui aborde sans excès théorique les grandes questions de la création, en arts comme en littérature.
Extraits :
Marcher, marcher, en utilité, méditation, création, thérapie. Récupérer, utiliser les objets jusqu'à ce qu'ils deviennent hors d'usage. Recycler, retaper. Ne pas gâcher la nourriture. Traverser la ville les poches vides. Entrer en fraude à la piscine. Nager au lac, à la rivière. Tailler le jasmin d'hiver qui envahit la fenêtre de la salle de bain. Faire toute sa place au silence. Laisser errer le regard, ne pas mettre d'intention dans chaque acte, laisser venir, laisser faire. J'ai onze mois devant moi pour tailler dans ce qui m'envahit depuis des années, pour faire un peu de clarté. En fin de journée, cueillir les fruits du jeune mirabellier que j'ai planté au jardin. Une poignée de prunes.
*
Je suis l'enfant de deux mondes : l'outre-méditerranée ensoleillée, aisée, arrogante et rancunière ; la ruralité de l'ouest, taiseuse, rude, impitoyable. La ville et la campagne. L'Algérie et la France. La mer et la terre. Grand-père maternel enseignant, grand-père paternel gardien de prison. Tous deux fonctionnaires. Des grands-mères m'ayant oubliée. L'eczéma m'attaque la main droite, puis le pied droit. Le côté droit, celui de la raison, de la famille.
Lisez sans tarder le Journal pauvre de Frédérique Germanaud. Il exprime humblement la liberté de l'humain qui travaille à s'affranchir des jougs consuméristes. Il fait du bien dans ce monde livré en pâture à toutes les voracités. Publié aux éditions La clé à molette, il coûte 13, 50 €.
Courir à l'aube et Quatre-vingt-dix motifs, chez le même éditeur, sont aussi chroniqués sur ce blog.
image babelio.com
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